Les personnes citées à la barre d'une cour se font, en général, les plus petites possibles, la tête baissée ils répondent docilement aux questions de la juge. Mais un homme dérogea à cette règle s'attirant les foudres de la présidente de la cour de Chéraga. Le jeune homme, qui devait répondre du chef d'inculpation d'agression physique sur sa cousine, s'avança d'un pas nonchalant à la barre. Aux questions d'usage, il ne répondit que d'une voix à peine audible. «Je t'ai demandé ta date de naissance, pas seulement l'année !», tonna la magistrate. Devant le mutisme du prévenu, elle s'exclama : «Mais réponds !» Il murmura alors qu'il ne connaissait pas sa date de naissance, car il n'avait jamais appris à lire, ajoutant qu'il était maçon dans la vie. La suite des interrogations suscita les mêmes marmonnements inintelligibles, sous le regard médusé de l'assistance. A bout de patience, la présidente gronda : «Tu te moques du tribunal ? Tu veux faire un tour en prison pour te rafraîchir la mémoire et te délier la langue ?». Réprimandes qui eurent le mérite de secouer l'accusé, qui s'est ressaisi quelque peu. La juge énonça alors le chef d'inculpation et demanda au jeune homme sa version des faits. «J'ai giflé ma cousine, parce qu'elle ne voulait pas me parler au téléphone», raconta-t-il. Interloquée, la magistrate lança : «C'est son droit de ne pas vouloir discuter avec toi !» Se tournant vers la victime, une jeune fille de 19 ans, elle l'invita à s'exprimer. «Il me harcèle depuis des années. Dans la rue, il m'embête et me menace. Cette fois-ci, il m'a appelé au téléphone. Et dès que j'ai décroché, il s'est mis à m'insulter. J'ai alors coupé.» En lançant un regard sévère à l'accusé, la juge s'enquit de la suite des évènements. La plaignante continua alors. «Il a envoyé un enfant pour me dire que ma tante m'appelait. Mais en fait, c'était lui. Il a crié et ensuite m'a violemment giflé.» L'agressée, ne demandant aucun dédommagement, quémanda toutefois que la cour interdise à son cousin de lui adresser la parole de nouveau ou de l'approcher. «Je ne veux plus avoir à faire à lui», dit-elle à la juge, qui hocha la tête en signe de compréhension. «Entends-tu ce qu'elle vient de demander ? Tu devrais avoir honte ! C'est ta jeune cousine et au lieu de la protéger et de la défendre, c'est toi qui lui fais du mal !», s'emporta-t-elle. Le procureur de la République, tout en lançant un regard noir à l'accusé, requit comme unique peine un dédommagement de 5000 DA. «Toutefois, il n'a pas intérêt à s'en prendre de nouveau à elle, car ils seront beaucoup plus sévères avec lui», commenta un avocat qui assistait à l'audience.