Que se passe-t-il quand une histoire d'argent s'immisce entre les membres d'une même famille et brouille les liens qui les unissent ? L'accusé qui a comparu hier à la barre du tribunal de Chéraga devait répondre du chef d'accusation de «menaces et tentative d'agression à l'arme blanche» sur… son neveu. Boucher de son état, l'accusé semblait interloqué par le fait que la plupart des témoins à charge n'étaient autres que des membres de sa propre famille, cousins et frère de la victime. Les dépositions des différentes parties présentes relataient les mêmes faits, à une nuance près, qui fait tout de même la différence : la victime accusait son oncle de l'avoir poursuivi avec un couteau de boucher, tandis que l'accusé et son unique témoin, un autre neveu, assurait que ce n'était qu'une batte en bois. Devant le brouhaha causé par la dizaine de personnes citées à la barre, la juge fit évacuer les témoins pour ne garder que les seuls protagonistes. La présidente intima alors l'ordre à l'accusé de raconter, dans les détails, le déroulement des événements. «Mon neveu travaille chez moi depuis cinq ans. Mais il a quitté son poste pour aller travailler dans un autre magasin, en ayant le toupet de me demander une grosse somme», déclara-t-il, stoïque, ajoutant : «Mes neveux et leurs copains se sont ligués contre moi pour me soutirer un maximum d'argent. Tout ceci n'est qu'une conspiration !» Le plaignant, tout comme ses témoins, par contre, relataient une tout autre histoire. Selon eux, sous prétexte que la victime a trouvé un autre poste, son oncle est «devenu comme fou», l'insultant et le menaçant de «l'envoyer dans une boîte à son père», d'après le témoignage d'un cousin. «Ensuite, il a sorti un grand couteau de boucher de dessous son manteau. Je me suis mis à courir afin de lui échapper, et lui me poursuivait, le couteau à la main», raconta-t-il. L'agressé trouva alors refuge chez un coiffeur, vite rejoint par le boucher. Les personnes se trouvant à l'intérieur du local réussissent alors à désarmer l'homme, comme a certifié le propriétaire du salon lors de l'audience. La juge, afin de s'assurer de la probité du témoin et de son impartialité, lui fit jurer qu'il n'avait jamais vu les deux hommes. Bien que leurs échoppes se trouvent sur la même rue, comme a relevé l'avocat de la défense, qui signala aussi à la cour, dans sa plaidoirie, qu'aux yeux de la loi, les couteaux sont considérés comme armes uniquement dans le cas où ils ont servi pour tuer ou blesser. «Mon client est boucher, cela est logique qu'il possède de tels outils !», s'exclama-t-il, tout en tentant d'attendrir la magistrate en avançant le caractère sacré des liens qui unissent cette famille particulière. Ces arguments pourront-ils épargner à l'inculpé les huit mois de prison ferme requis par le procureur ? Verdict le 24 de ce mois.