Ce n'est pas encore les vacances scolaires mais ce n'est jamais le calendrier qui fixe le repos des potaches. Il l'annonce seulement, comme les hirondelles annoncent le printemps. Avec cette différence qu'il faut bien mettre une date dessus. C'est fou ce qu'on est à cheval sur les formalités, dans notre beau et vaste pays. Beaucoup d'entre eux ont fini devoirs et compositions. Que reste-t-il à faire à l'école quand les… formalités sont terminées ? Pas grand-chose, ce n'est pas encore les vacances mais personne ne va les empêcher de prendre congé. Ils vont fuir les classes glaciales et les instits renfrognés et puis se tenir à distance et à heure respectable de l'instant crucial et invivable de la remise des bulletins. Depuis qu'on a renoncé à la poste pour l'envoi des relevés de notes, il fallait bien redoubler d'ingéniosité pour ne pas être là à l'instant de gravité suprême. Avant, on guettait l'arrivée du facteur. Maintenant, on attend la sonnerie de la dernière épreuve. Ce n'est pas encore les vacances. Pour beaucoup, ce ne sera jamais les vacances. Seulement un congé forcé qui ne se refuse pas. Il n'y a rien à faire à l'école quand on n'est plus obligé d'être à l'école. N'est-ce pas que l'école est une formalité comme une autre ? Les congés approchent pendant que s'éloignent les vacances. Après le froid des classes, le froid de la rue. Il fait un peu plus chaud à la maison mais à la maison, il n'y a pas de place face à la télé. Alors on va garder les murs et avec un peu de chance, le terrain vague va se libérer pour une heure de ballon avant l'arrivée des plus grands. Avec un peu plus de chance, on se débrouillera une pièce pour le cybercafé, sinon pour le café tout court. Ce ne sont pas des vacances mais le repos n'a jamais tué personne. Les miracles, ça arrive aussi, il n'y a pas longtemps, il a neigé jusqu'au bord de la mer mais les miracles ont cette fâcheuse habitude de ne pas se renouveler. Surtout pas quand on les attend. La météo a bien annoncé il y a quelques jours la poudreuse à 800 mètres mais la météo a cette fâcheuse habitude de mentir à chaque fois qu'on veut bien l'écouter. Beaucoup de potaches n'ont jamais vu la neige de leur vie, en dehors des cartes postales et des images de stations de montagnes des télévisions de «là- bas». Des images de monts enneigés, il arrive que la télé d'«ici» en passe mais les potaches ne regardent jamais l'ENTV, quand ils arrivent à se faire une place sur le canapé face à l'écran. Il y aussi des potaches qui sont encore aux examens. Ils sont pressés d'en finir sans savoir exactement pourquoi. Ils savent seulement qu'il fait moins froid dehors parce que dehors, il y a plus d'air. Et moins de vitres cassées, puisqu'il est universellement connu qu'on n'installe pas de fenêtres sur les terrains vagues et les murs de parkings. Les vacances, ils n'en rêvent même plus. Il paraît qu'on ne rêve plus quand on dort si tard et si serrés. On rêve très peu quand on ne sait même pas que la neige est glacée parce qu'on ne l'a vue que sous les pieds des autres. Les pieds d'enfants confortablement habillés et riant aux éclats, heureux de rentrer au chalet pour le chocolat chaud ou les soupers copieux. Allez, on se met à distance respectable et on attend l'instant gravissime de la remise des bulletins. Les vacances sont une vue de l'esprit. Le congé, on y est déjà. [email protected]