Héroïne du Djurdjura, Lalla n'Soumer, de son vrai nom Fatma Sid Ahmed, s'est vu attribuer ce surnom pour sa piété et sa force, et aussi parce qu'elle a vécu dans le village de Soumer. Surnommée par les Français et contre son gré «la Jeanne d'Arc du Djurdjura», elle était connue pour sa foi et son courage, symboles de la bravoure féminine algérienne. Lalla Fatma n'Soumer est née dans un village proche de Aïn El Hammam en 1830, au commencement de l'occupation française. Son père était le chef d'une école coranique liée à la zaouïa Rahmania de Sidi Mohamed Ibn Abderrahmane Abu Qabrein. Pareillement aux autres régions, la Kabylie fut conquise après de violents combats. Mais l'insurrection menée par Lalla Fatma n'Soumer reste une des plus importantes. Elle a résisté à l'armée du maréchal Randon entre 1850 et 1857. En 1854, à Oued Sebaou, Lalla Fatma n'Soumer, alors âgée de 24 ans, a vaincu les troupes françaises, malgré la supériorité de celles-ci en nombre et en matériel. A la tête d'une armée de femmes et d'hommes, elle a mené son peuple à la victoire. Ce peuple, qui a loué cette héroïne pendant très longtemps, l'a pourtant marginalisée à un moment donné. En effet, originaire de Ouerja, un village de marabouts ultratraditionalistes, elle dut s'imposer non sans difficultés dans ce milieu où la liberté de la femme était très restreinte. Etant très belle, selon la tradition orale, on voulut la marier très tôt. Mais elle n'accepta aucun des prétendants. Prise pour une possédée, on la séquestra pendant une semaine, durant laquelle son côté rebelle prit de l'ampleur. Sous la pression de sa famille, elle finit par épouser son cousin. Et comme elle ne voulait pas consommer cette union, elle fut répudiée après un mois de mariage. Elle fut mise en quarantaine par les habitants du village ainsi que par sa famille. Prise pour folle, on la laissa errer à sa guise. La journée, Lalla Fatma n'Soumer arpentait la montagne jusqu'au coucher du soleil. C'est là qu'elle découvrit la «grotte du Macchabée», ainsi nommée par les Français suite à la découverte d'un squelette momifié. Surprenant tout le village, Lalla Fatma n'Soumer décida un jour de rejoindre son frère, Si Mohand Tayeb (marabout), exerçant ses talents de cheikh au village de Soumer. Elle se mit depuis à étudier le Coran et l'astrologie... Son don de mémoriser le Coran fut tout de suite remarqué par le cheikh. Très jeune, Fatma avait appris le Coran simplement en écoutant les disciples de son père réciter les différentes sourates. Son excentricité fut acceptée finalement par les villageois. Ils apprécièrent dès lors sa lucidité et son intelligence. Enfin, ils se rendirent compte que son talent de «sage» n'avait rien à envier à son frère. Ils lui vouèrent depuis du respect. A la mort de son père, Lalla Fatma n'Soumer dirigea l'école coranique avec son frère. Elle s'occupait principalement des enfants et des pauvres. En plus de sa piété et de sa sagesse remarquable, elle avait ce talent de prédire l'avenir après une nuit de rêves et d'hallucinations. Elle a pu sauver son peuple des griffes de l'occupant à maintes reprises. Ces difficiles épreuves, dont son incarcération répétée, lui coûtèrent la vie. Elle mourut en septembre 1863 sans assister à la victoire de son peuple, âgée d'à peine 33 ans. Dans les années 1980, ses cendres furent transférées de Kabylie vers le Carré des martyrs à Alger. L'on raconte que Lalla Fatma n'soumer fut isolée par les siens dans la zaouïa de Beni Slimane, près de Tablat (entre Médéa et Aumale), sous la garde du bachaga Tahar Ben Mahieddine, et y demeura durant six ans jusqu'à sa mort. Sa tombe demeura longtemps un lieu de pèlerinage pour les habitants de la région avant que les autorités algériennes ne transfèrent, dans les années 1980, les restes de sa dépouille au Carré des martyrs de la révolution à Alger. Entre temps, les soldats français dépensaient sa fortune, mise à la disposition de la zaouïa des disciples de son frère. Sa riche bibliothèque, contenant une mine de travaux scientifiques et religieux, fut complètement détruite. Fatma n'Soumer demeurera toujours le symbole de la femme combattante en Algérie. Elle sera à jamais un modèle de valeurs humaines pour toutes les générations à venir.