On ne travaille presque plus la terre, comme jadis, dans la vallée de la Soummam. Hormis quelques champs parsemés, qui sont emblavés ou destinés à la culture maraîchère pour la consommation familiale. La majorité des glèbes sont laissées en friche, livrées aux herbes sauvages et aux ronces qui poussent à profusion. Les temps ont eu raison de ces landes qui, jadis, furent exploitées par des paysans, qui se font un honneur de ne laisser aucune once de leur terre non travaillée. Aujourd'hui, les choses ont changé. Le paysan d'hier ne vit plus de sa terre mais perçoit un salaire, fait des affaires ou tout simplement vit bien avec une pension en devises fortes. A quoi bon travailler la terre alors, se demanderait-il. Autrefois, il était rare qu'un paysan se rende au marché pour s'approvisionner en produits alimentaires, tellement ses terres lui procuraient presque tout en abondance : le blé, les légumes, les fruits, le lait, la viande, l'huile d'olive. Maintenant, en abandonnant leurs terres, les paysans déplorent la cherté de la vie. La poussée du béton Il est vrai qu'actuellement, il est difficile de cultiver sa terre. Cela demande des moyens financiers à la mesure de la superficie de la glèbe et des cultures à faire. Il y a aussi l'engrais et les produits de désherbage, les insecticides et autres, qui sont chers. Mais, paradoxalement, alors que maintenant les moyens existent, l'agriculture dans la vallée de la Soummam tombe dans la déchéance. Seule l'oléiculture intéresse encore la population. Néanmoins, les oliveraies ne sont pas travaillées dans leur majorité. Peu de bassins sont aménagés pour l'irrigation des oliviers, et la terre est de moins en moins labourée. Les terres, d'une excellente qualité, laissées en jachère dans la vallée de la Soummam font mal au cœur. Mais là où le bât blesse, c'est que l'on construit sur ces terres à une cadence effrénée. De Boudjellil, jusqu'à Béjaïa, en passant par Aït R'zine, Riquet (Akbou), Ouzellaguen, El Kseur, pour ne citer que ces localités, les terres, destinées à l'agriculture par excellence sont détournées de leur vocation pour servir de lopins pour la construction. Des villas ont poussé à une vitesse vertigineuse, révélant, de ce fait, cette obsession pathologique de la population de la vallée à n'avoir que la construction comme objectif dans la vie. Leurs aïeuls n'étaient pas si ignorants. Ils construisaient leurs maisons sur les collines et les terrains incultes en laissant les plaines arables pour l'agriculture. Une leçon qui nous vient des temps médiévaux, appelés injustement, l'époque des «jouhala».