L'Argentine, orpheline de trophées depuis les années Maradona, compte sur un Lionel Messi des grands jours pour soulever une 3e fois la Coupe du monde, au Brésil, sur les terres de son voisin et rival historique. La Main de Dieu de Diego Maradona et la couronne mondiale remontent à 1986, et la dernière victoire en Copa America à 1993. Si Messi bat tous les records avec Barcelone, il lui reste à écrire l'Histoire avec la sélection. Dans un pays aussi passionné et fier de son football, les Argentins veulent oublier leur quotidien fait d'inflation, de perspective de récession, d'insécurité et panser avec une Coupe du monde les blessures des cinq derniers Mondiaux: 2010 et 2006 (élimination en quart de finale), 2002 (1er tour), 1998 (1/4 de finale) et 1994 (1/8e de finale). "Nous sommes là pour gagner. Mais il faudra se méfier de l?Allemagne, du Brésil, de l'Espagne et de la France", considère Messi (84 sélections, 37 buts), qui jouera à 26 ans son troisième Mondial, avec un passif de deux éliminations en quart de finale face à l'Allemagne. Le sélectionneur Alejandro Sabella, technicien au profil bas qui a obtenu de Messi le même rendement en sélection qu'en club, insiste sur la cohésion de l'équipe et ne cède pas au chant des sirènes. "Même s'il est très fort, ou extraordinaire, il a constamment besoin du soutien de l'équipe, d'équilibre, de stabilité". Lors du tournoi de qualifications sud-américain, l'Argentine s'est facilement imposée devant la Colombie, Messi inscrivant 10 buts en 14 matches, devant Gonzalo Higuain (9 buts). Avec un tirage au sort clément pour la phase de groupe F (Bosnie, Nigeria, Iran), l'horizon semble dégagé. Si la hiérarchie est respectée, l'Argentine pourrait rencontrer en huitième de finale l'Equateur ou la Suisse, le Portugal ou la Belgique en quart et l'Espagne ou l'Italie en demie. Les supporteurs de la sélection aiment Messi, mais ils ont la nostalgie de Maradona (Mexique-1986) ou Mario Kempes (Argentine-1978). Doutes sur la défense L'absence de titre international depuis 21 ans favorise les critiques. "Le football argentin a perdu l'amour pour le ballon. C'est un signe de décadence pour un football qui perd de sa vigueur. Il y a de moins en moins de joueurs qui sortent du lot. Je crois que nous sommes en récession", estime Jorge Valdano, vainqueur du Mondial-1986 et ex-dirigeant du Real Madrid. Au Brésil, l'Argentine disposera d'un quatuor offensif explosif composé de Messi, Sergio Agüero (Manchester City), Angel Di Maria (Real Madrid) et Gonzalo Higuain (Naples), avec en réserve Ezequiel Lavezzi (Paris Saint-Germain) et Rodrigo Palacio (Inter Milan). En revanche, Carlos Tevez, 30 ans et 64 capes, surnommé "le joueur du peuple", n'a pas été retenu depuis 3 ans malgré ses bonnes prestations à Manchester City et à la Juventus de Turin. Avec des milieux défensifs comme Fernando Gago (Boca Juniors, ex-Real) et Javier Mascherano (Barça), l'Argentine est solidement armée dans l'entre-jeu, mais les doutes viennent de derrière. Le poste de gardien suscite des interrogations. Sabella a maintenu sa confiance à Sergio Romero, qui a passé presque toute la saison sur le banc à Monaco, faute de mieux. En charnière centrale, Federico Fernandez (Getafe) et Ezequiel Garay (Benfica Lisbonne) constituent avec Romero le point faible de l'équipe. Les latéraux Pablo Zabaleta (Manchester City), à droite, et Marcos Rojo (Sporting Lisbone), à gauche, ne sont pas plus rassurants sur les côtés de la défense, même si leur apport offensif est notable. "En défense, dit-il, ce qui nous manque c'est un patron, un joueur capable d'imposer son autorité. (...) Aujourd'hui, il n'y a pas un Daniel Passarella (capitaine en 1978) ou un Oscar Ruggeri (1986), un aboyeur capable de remobiliser les troupes dans les moments difficiles". La gloire en cas de titre, l'enfer en cas d'élimination prématurée. En cas de victoire le 13 juillet au Maracana, Messi et ses coéquipiers seront adulés comme des Dieux vivants. Si l'Argentine enregistrait une nouvelle contre-performance, les 23 internationaux devraient alors faire face à la déception de 41 millions d'Argentins et prier pour que les "barrabravas" (hooligans) ne sèment pas la panique au Brésil, comme ils le font dans les stades argentins, régulièrement endeuillés par des règlements de comptes.