Belo Horizonte. Nous sommes le 16 juin 2014. Il est 6 heures du matin quand l'avion de la compagnie nationale Air Algérie transportant le dernier contingent algérien composé de 250 fans s'est posé sur le tarmac de l'aéroport international Tecredo Neves de la capitale de l'état brésilien du Minas Gerais. Malgré un vol des plus harassants qui a duré près de dix heures, les supporters de l'équipe nationale sont d'une énergie débordante. Le fameux refrain «One, two, three, viva l'Algérie» est vite repris en chœur par les nouveaux «envahisseurs» du pays du roi Pelé. Cela semble amuser les nombreux agents de piste de l'aéroport présents sur place, mais pas un responsable de la police aux frontières qui a montré son agacement envers un mordu des Verts coupable d'avoir joué du Vuvuzela avant les formalités douanières. Il va tenter de lui confisquer l'instrument le plus populaire de la Coupe du monde 2010, mais notre jeune compatriote n'est pas du genre à se laisser faire. Un incident qui s'est produit à quelques mètres de Mahfoud Kerbadj. Dernier membre du bureau fédéral à s'être rendu au Brésil, le président de la Ligue de football professionnel (LFP), visiblement épuisé par le voyage, est pressé de rejoindre l'hôtel Holyday IN où il devait élire domicile. Les supporters aussi. A leur sortie de l'aéroport, les organisateurs du Touring Club vont les conduire directement au parking extérieur pour monter à bord des six bus loués afin d'assurer leur transport jusqu'à leur lieu d'hébergement. Un autre bus est stationné juste à côté. Il est spécialement réservé aux quarante invités du groupe agro-alimentaires Benamor, un des sponsors majeurs de la Fédération algérienne de football. Notre journal en fait partie, tout comme neuf autres titres de la presse nationale écrite et audiovisuelle. Direction le centre-ville, qui se trouve à une quarantaine de kilomètres. Mais en raison du trafic routier très dense qui caractérise ce premier jour de semaine, on va mettre une heure et quart pour rejoindre l'hôtel Dayrell alors que d'habitude une petite demi-heure suffit largement pour faire ce trajet. Fondée en 1897, Belo Horizonte qui compte plus de trois millions d'habitants, est la troisième grande ville du pays. Ici, le grand événement footballistique planétaire semble a priori passionner les gens a travers les nombreux drapeaux brésiliens accrochés dans les balcons. Un calme précaire ? Pour le moment pas de signe de la contestation sociale qui a secoué dernièrement les deux autres grandes villes du pays, Rio de Janeiro et Sao Paolo. la fièvre du Mondial a fini par gagner le tout Brésil, où touristes et supporters célèbrent ensemble le grand rendez-vous sans trop se soucier des manifestants qui ont déclaré la guerre à la fête du foot. «C'est vrai que la majorité des Brésiliens est en colère contre la FIFA et surtout le gouvernement qui a investi des sommes colossales dans l'organisation de la Coupe du monde sans que le peuple en bénéficie réellement, mais un mondial au Brésil ne peut pas laisser les gens indifférents parce qu'ici on vit le football comme une religion. La preuve, dès que la Seleçao (surnom donné à la sélection brésilienne) a remporté son premier match face à la Croatie, les manifestations ont sensiblement baissé, alors imaginez un peu si les camarades de Neymar vont loin dans cette compétition», nous explique notre guide, Stéphane, un Français originaire de Paris, établi au Brésil depuis 30 ans. Une fois arrivés à l'hôtel Dayrell pour les enregistrements des chambres, on nous apprend qu'une centaine de supporters algériens avait pris ses quartiers un peu plus tôt dans cet établissement de quatre étoiles. Seuls quelques uns étaient présents à cet instant dans le hall de l'hôtel. «Ils sont sortis se balader un peu partout dans les rues de Belo. En tout cas, on va immédiatement les repérer», nous déclare Stephane avant de nous inviter à une excursion en ville. Mais on ne peut pas faire le tour de la ville des miniers sans admirer les interminables arbres qui jonchent ses artères ainsi que les fleurs de tous genres qui remplissent ses rues. «Ce n'est pas pour rien qu'on surnomme Belo, la ville jardin», commente Stephane. Après un bref tour au point culminant de la ville qui offre une vue panoramique, on se rend directement à Praça Da Liberdade. Et c'est dans cet endroit historique qui symbolise la fin de la domination coloniale portugaise qu'on va s'imprégner de la folle ambiance créée par les inconditionnels des Verts à l'occasion de cette première sortie du Mondial face à la Belgique. Dansant au rythme du raï, ils vont captiver les regards de plusieurs passants notamment des touristes. Ils sont nombreux même à se joindre à eux volontiers. Algérie-Belgique a commencé dans la rue L'arrivée d'un groupe de supporters belges de Bruxelles va rendre l'ambiance encore plus agréable. Et bien sûr il est aussi question d'humour. On se taquine d'un côté comme de l'autre. «Demain, on va vous mettre quatre buts» lance un jeune supporter algérien à l'adresse d'un Diable rouge. Développant un sens de l'humour typiquement belge, ce dernier lui rétorqua instantanément : «Marquer quatre buts à Courtois ça peut se faire, mais vous devrez d'abord ramener Zinedine Zidane pour vous donner un petit coup de main.» Belgique 1- Algérie 0. Ça promettait pour le match du lendemain. Sur place, soit dans la Praça Da Liberdade on nous apprend que le point de rassemblement des supporters d'El Khedra se situait au stade Mineirão à une dizaine de kilomètres. Au même moment, soit en début d'après-midi, les hommes de Vahid Halilhodzic effectuaient leur dernier entraînement avant le match. A notre arrivée au stade, il étaient au moins un millier d'Algériens à se trouver en effervescence. Mais on pouvait aussi constater au milieu de ce beau monde, des supporters brésiliens, colombiens, chiliens, mais aussi sud-coréens. L'ambiance est magnifique. Elle est immortalisée par des nombreuses caméras des télévisions étrangères. Le show se poursuivra encore des heures. En début de soirée, tout ce beau monde va se retrouver dans le quartier animé et très aisé de Savassi, bondé de magasins, bars et restaurants. Les supporters algériens s'éclatent. Certains ont choisit de défiler en voiture au rythme du dernier tube dédié aux Verts «Allez jouez, on va gagner !» en brandissant fièrement le drapeau algérien. «J'ai dû épuiser toutes mes économies pour me payer ce voyage au Brésil. Alors j'essaye de profiter au maximum», nous confie Oussama un supporter venu de Bougie. Le lendemain, soit le jour du match, c'est le même décor qui se plante à Belo, sauf que cette fois les quelques milliers de fans algériens ont décidé de converger à la fois au stade, tôt la matinée. Et là, le spectacle ne faisait que commencer…