Après avoir accueilli déjà Iran-Nigeria, Honduras-Equateur et Australie-Espagne, Curitiba a abrité hier son dernier match de Coupe du monde. Notre journal est allé mesurer la température dans les rues de la ville durant les vingt-quatre heures qui ont précédé ce rendez-vous historique qui attendait notre équipe nationale avec son homologue russe. A la veille de cette rencontre que beaucoup considéraient comme étant la plus importante de l'histoire du football algérien, nous avons eu le privilège de nous balader dans les principales rues de la capitale de l'Etat du Paraná pour mesurer l'engouement que suscite le dernier match le plus important du groupe H. Considérée comme une référence dans le monde en matière de planification urbaine, Curitiba s'inscrit dans la région la plus développée et la plus industrialisée du pays. Son centre- ville n'a absolument rien à envier aux autres grandes villes du monde. Des bâtiments modernes et un réseau routier efficace se marient bien aux emplacements anciens. Il était 16h en fin d'après- midi quand nous avons aperçu le premier attroupement des supporteurs des Verts à la place Osório, ou comme l'appellent les brésiliens, Praça Osório. Ce coin agréablement boisé est le plus prisé parmi les nombreux quartiers formant le centre-ville. Le drapeau algérien à la main, ce groupe d'une vingtaine de supporters venus des quatre coins du pays crée une ambiance festive à travers des chants et des danses. Mais leur présence ici n'était pas tout à fait fortuite.
Les fans aux aguets En effet, à 200 mètres de là, précisément à la Rua Comendador Araújo, se dresse l'hôtel Pestana, là où les Verts ont pris leurs quartiers la veille en prévision de leur troisième sortie du Mondial. Ces supporters avaient tenté vainement d'approcher les coéquipiers de Islam Slimani qui s'apprêtaient à effectuer leur dernière séance d'entrainement avant le match. Mais certains avant eux avaient réussi à arracher quelques autographes de leurs stars préférées. Qu'importe, les inconditionnels des Verts ne pensaient qu'à une chose : avoir le grand privilège d'assister à une qualification historique de la sélection algérienne aux huitièmes de finale du mondial. «il ne reste qu'un petit point à prendre pour rentrer dans l'histoire. Je pense que notre équipe a largement les moyens d'atteindre cet objectif. On va se qualifier inchallah», nous avait affirmé Djamel de Bouira. Même son de cloche chez la plupart des algériens que nous avons croisés durant notre balade à Curitiba, à l'instar de Momo, un émigré de Paris qui était à la recherche de billets de stade au marché noir lui et ses cinq amis. «Je pense qu'on va passer sans problème. La Russie est très prenable. La preuve, elle était incapable de battre la Corée du Sud, l'adversaire le plus faible du groupe», assure-t-il. Mais la belle victoire acquise par les Verts face à la Corée du Sud a également eu le mérite d'avoir réveillé l'optimisme de ceux qui ont commencé à douter de leurs favoris après leur première sortie ratée face à la Belgique. C'est le cas de Ali Touta, un consultant du groupe Benamor : «Nos joueurs ont sorti un match énorme face à la Corée du Sud. Ils peuvent encore créer un exploit en accédant au deuxième tour s'ils jouent leur football habituel. Sincèrement, je pense que le point du nul est à leur portée, mais il ne faut pas perdre de vue que les russes vont jouer avec la même détermination que les nôtres puisqu'une petite victoire leur suffira pour passer», analyse-t-il. A mesure que le match approchait, la tension devenait palpable sur le visage des supporters de l'EN dont la plupart ont passé une nuit blanche la veille de la rencontre. «Je n'arrive pas à trouver le sommeil. Je pense que c'est dû au stress», nous avoue le jeune Mehdi, l'un des heureux gagnants de la tombola spécial Coupe du monde organisée par le groupe Benamor. Dans l'hôtel Lancaster où les invités du groupe agroalimentaire avaient séjourné, certains avaient remarqué un plus net engouement des brésiliens pour le match en question.
Curitiba avec l'Algérie En effet, si habitants de Curitiba ont longuement regretté l'absence du nom de l'Arena da Baixada Stadium dans le programme des tours avancés de la coupe du monde, ils ont voulu à travers l'affiche Algérie-Russie profiter des derniers instants du mondial dans leur ville. Pour certains, le fait de pouvoir accueillir déjà des matches d'un tel événement planétaire suffit à les consoler. Mais entre l'Algérie et la Russie, ici, les habitants locaux avaient déjà choisi leur camp bien avant le coup d'envoi du match. «C'est légitime, les brésiliens aiment les équipes techniques. En plus, ils se mettent toujours du côté des équipes qui ne sont pas données comme favorites du mondial», nous explique Rodrigo, un réceptionniste à l'hôtel. Mais Abdelkader, lui, ne se fie pas aux brésiliens avec qui il a partagé un moment sympa dès son arrivée à la ville. «Il ne faut pas trop les croire. Ils nous ont dit la même chose à Belo Horizonte et à Porto Alegre, finalement une bonne partie d'entre eux se mettait à encourager nos adversaires à chaque attaque», nous garantit Aymen, un commerçant de Bordj Bou Arréridj. Mais durant cette longue nuit de doute, certains supporters algériens, notamment les fans de Lionel Messi, ont profité de la superbe prestation de l'astre argentin avec sa sélection le jour même face au Nigeria pour taquiner les brésiliens : «Apparemment, c'est la coupe du monde de Messi. Il va la gagner ici au Brésil avec l'Argentine», lâche Sofiane, du Ruisseau, à l'endroit de Roberto, serveur dans un restaurant, au moment où les télévisions du pays montraient en boucle les deux buts inscrits par le quadruple ballon d'or : «Si l'Argentine remporte la Coupe du monde ici au Brésil, ça serait la deuxième plus grande catastrophe du football brésilien après la finale perdue par la Saleçao en 1950 à Maracana face à l'Uruguay», lui rétorque-t-il. un peu plus tard, des centaines d'inconditionnels des Verts débarquaient à Curitiba en provenance de la station balnéaire de Camborio avec un cri perçant déchirant le voile paisible de la nuit : «ne, two, three, viva l'Algérie !