Les Brésiliens aiment les glaçons, ils en mettent dans toutes leurs boissons. Mais mardi, c'est un "Glaçon" devenu iceberg que leur équipe nationale va rencontrer, Manuel Neuer, le gardien de l'Allemagne à la classe froidement efficace. En demi-finales du Mondial-2014, la Seleçao sera privée de ses pièces majeures en attaque (Neymar, blessé) et en défense (Thiago Silva, suspendu), et voit poindre à Belo Horizonte un gardien en état de grâce. L'impavide Neuer, qui a fêté sa 50e sélection au Maracana vendredi contre la France (1-0 en quart), n'a encaissé que trois buts en cinq matchs et multiplié les performances marquantes. Peu sollicité par le Portugal (4-0), il a ensuite circonscrit le feu qui prenait face au Ghana (2-2) et aux Etats-Unis (1-0), fondu sur les attaquants tel un libero contre l'Algérie en 8e de finale (2-1 a.p.), au point de convoquer le souvenir tutélaire du "Kaiser" Franz Beckenbauer, et enfin refroidi Benzema et toute la France par ses réflexes, notamment sa manchette au bout du temps additionnel. "On n'a pas eu de réussite et d'efficacité et Neuer a aussi fait les parades qu'il fallait", n'a pu que constater Didier Deschamps. "C'est rassurant pour une défense de savoir qu'il est là juste derrière, se félicitait en écho son homologue Joachim Löw. C'est un gardien qui est bon sur sa ligne, sait sortir, est très bon balle au pied et à qui on peut faire des passes". Cristallisation "Ce n'était pas si mal", a admis à propos de sa performance le joueur d'1,93 m, ovationné par ses coéquipiers dans les entrailles du Maracana. "Mais vous savez beaucoup de mes arrêts, c'est juste des automatismes, explique-t-il. L'équipe me couvre au milieu et moi je n'ai qu'à surveiller vers les poteaux". Avant de noter: "Et si le ballon rentre, c'est une erreur du gardien". "Manu" reste de glace à toute épreuve et sous le feu roulant des balles de but, c'est ce qu'a signifié l'ancien international Mehmet Scholl et actuel consultant pour la télévision ARD en imaginant le surnom de "Glaçon" pour ce joueur au physique scandinave et au mental de fonte. Pendant qu'il parlait dans la zone consacrée aux déclarations d'après-match, Müller et Podolski sont passés derrière lui en scandant "Welttorwart, Welttorwart!" (meilleur gardien du monde). Car le portier de 28 ans cristallise désormais toutes les attentions, un peu comme le Mexicain Ochoa après son match de feu contre le Brésil couronné de cet arrêt exceptionnel sur une tête de Neymar. Sauf que Neuer est toujours en lice, lui, et semble mener la confrérie des gardiens. Casillas démonétisé, Julio Cesar à Toronto, Lloris poreux à Tottenham, Neuer n'a guère que Buffon et Cech comme rivaux potentiels, même si le premier a 36 ans et quitté dès le premier tour un Mondial que le second (32 ans) n'a même pas fréquenté. Kahn adhère "Depuis 2010, il est l'un des meilleurs, voire le meilleur à son poste", avance Löw, sans doute grandement soulagé que la blessure à une épaule de son gardien, le 17 mai lors de la finale de la Coupe d'Allemagne, se soit résorbée à l'orée du Mondial. Neuer N.1 des N.1, c'est aussi ce que soutient l'un de ses illustres prédécesseurs, Oliver Kahn, sur ZDF: "Il prouve dans cette Coupe du monde qu'il est actuellement le meilleur gardien du monde. Tout le monde sait que c'est un superbe footballeur, qui peut bien participer. Mais c'est décisif d'être présent dans les situations importantes et de sauver son équipe. Au bout du compte, c'est là dessus qu'on le juge". Le "Titan" avait pourtant rechigné devant les sorties de son successeur contre l'Algérie, évoquant de trop grands "risques". Les arrêts devant la France l'ont convaincu. Et maintenant, place au Brésil, souvenir amer pour Kahn (défaite allemande 2-0 en finale du Mondial-2002). Contre la Seleçao chez elle douze ans plus tard, "on va voir quel spectacle il y aura en demi-finale", a simplement glissé le "Glaçon". Cool.