N'ayant pas le choix pour remplir leur marmite, les ménagères se livrent à des recettes de fortune faites surtout de fèves cédées ces derniers jours à 20 dinars le kilo. C'est alors des fèves cuites de différentes manières, à l'égyptienne, à l'algérienne ou autres, «juste pour remplir le ventre», dira une vieille dame rencontrée à la sortie du marché couvert de la ville. En effet, la pomme de terre qui marque son prix le plus élevé (110 dinars le kg) donne congé à la friteuse, au grand dam des bambins qui adorent les «frites-omelettes». Les plats préparés ces derniers jours sont essentiellement faits de pâtes et de légumes secs dans la majorité des foyers. «La viande ? nous répond Djelloul, un enseignant au lycée, ce n'est plus possible ; j'achète 250 g de viande blanche pour le couscous du vendredi et c'est tout.» Ne pouvant plus se permettre la viande ovine fraîche dont le prix est excessif et encore mois le poisson ces derniers jours, certaines familles ont fini par se cantonner aux pâtes et aux légumes secs, se privant ainsi de protides en attendant des jours meilleurs. Les menus des Algériens sont devenus un vrai casse-tête, surtout pour les bourses moyennes. On se contente le plus souvent de féculents, bon gré mal gré, «compensatoires en matière de quantité» nous fait savoir un père de famille. En fait, il est loin le temps où on parlait de qualité : c'est la quantité qui prime souvent, même pour les enfants qui ont besoin d'une alimentation équilibrée. Il s'agit d'abord d'avaler quelque chose pour combler le creux. Besoins nutrififs, envies et art culinaire, connais pas… pour l'instant du moins. Ali, la cinquantaine environ, gardien dans une banque, nous dira : «J'ai quatre enfants à nourrir, je me bats quotidiennement pour leur ramener quelque chose à mettre dans la marmite, mais avec mon salaire de 14 000 dinars, je n'en peux plus carrément (…) Même les pâtes sont chères ; ma femme les prépare au beurre. Adieu sauce tomate et viande !» Certains légumes sont à des prix impossibles, malgré leur abondance sur le marché : l'aubergine à 140 Da, les haricots verts à 160 Da, le chou-fleur à 120 Da, le poivron vert à 160 Da. Pour ce qui est des fruits, les familles ne se permettent plus l'orange (100 Da), ni la banane (140 Da), ni la fraise et la datte à 300 Da. «Une fois par semaine, j'achète 6 yaourts et c'est réglé», nous dit notre interlocuteur.