La communauté algérienne établie en Belgique et au Grand Duché du Luxembourg a eu toute latitude de remplir son devoir électoral pour l'élection présidentielle de 2009. Six jours durant, et ce, depuis samedi, date d'ouverture des bureaux de vote, les immigrés de Belgique et du Grand Duché du Luxembourg — dont on estime le nombre d'inscrits à quelque 15 000 — pouvaient se rendre aux urnes de 8h à 21h. Cinq bureaux de vote ont ainsi été ouverts : Bruxelles, Gand, Charleroi, Liège et Mons Colfontaine. Des bureaux choisis par les services de l'ambassade et du consulat en fonction de la répartition géographique de la population algérienne. Les résidents luxembourgeois étaient invités à accomplir l'acte électoral à Bruxelles et des navettes furent spécialement affrétées à l'occasion pour faciliter leur déplacement. Une bonne organisation du scrutin De l'avis de nombreux électeurs, l'organisation de ce scrutin est parfaite et les services organisateurs n'ont pas lésiné sur les efforts. Il est vrai que le scrutin s'étalant sur six jours, il était difficile de se faire une idée sur l'affluence des votants. Hormis peut-être le week-end et notamment le dimanche plus «rempli» pour des raisons évidentes de repos mais aussi de parking… Les alentours immédiats du consulat général n'offrant que de peu de possibilités. Dimanche matin, à Machelen, en région flamande, alors que nous faisions la file dans un grand magasin de matériels de bricolage, nous fûmes agréablement surpris d'entendre un immigré d'un âge respectable parler avec son fils en kabyle. Nous n'avons pu nous empêcher de l'apostropher — c'est si bon de parler sa langue maternelle à l'étranger ! — pour lui demander s'il avait voté. «Je voterai Bouteflika !» «Non pas encore, nous irons cet après-midi car aux alentours du consulat il y a des travaux et c'est difficile d'y stationner. De plus je suis handicapé.» Et notre compatriote de déclarer spontanément : «Je vote Bouteflika !» «Grâce à lui, il y a de plus en plus la paix maintenant en Algérie et nos villages de montagne dans la région d'El Kseur ne sont plus isolés. Il a construit des routes et permis de développer la région. Il doit poursuivre ses programmes qui nous ont fait beaucoup de bien…» D'autres citoyens rencontrés n'hésitent pas à afficher ouvertement leur préférence. «Bouteflika, au moins on connaît et puis, il faut bien reconnaître que sa politique de réconciliation, même si on n'était pas d'accord aux début, a donné des résultats probants.» «Observez l'Allemagne et la France, renchérit un quinquagénaire, ce sont les meilleurs amis et alliés aujourd'hui ! Alors nous Algériens entre frères et sœurs ? Qu'est-ce qu'on attend ? On espère que Bouteflika sera élu et qu'il poursuivra ses efforts avec la grâce de Dieu et que Dieu lui donne la santé surtout…» «Pour une fois, il y aura le choix entre six candidats dont Louisa Hanoune. C'est pas beau ça, nous dira Moktar, un jeune qui a quitté l'Algérie depuis cinq ans. Nous ne pouvons pas dire qu'il n'y a pas de liberté et de démocratie. Tous ceux qui disent le contraire sont hypocrites !» Son épouse ajoute : «Certains pseudo-partis démocrates n'ont pas eu le courage de se présenter devant le peuple. Alors qu'au début, l'un d'entre eux particulièrement avait décidé de se présenter sous certaines conditions. Ces conditions étaient réunies, pourquoi alors pousse-t-il au boycott ?» «Je suis algérienne avant tout mais je suis aussi kabyle et je dénie aux pseudo-partis démocrates qui veulent faire croire aux Algériens et au monde qu'ils représentent les Kabyles.» Les Kabyles ne veulent pas être pris en otage «Les Kabyles sont d'abord et avant tout des Algériens que ces pseudo-partis veulent isoler. A croire qu'ils ont des arrière-pensées. Et comme par hasard leurs chefs n'utilisent que l'insulte et la vindicte. C'est de la lâcheté, un défaut et une tare que les Kabyles authentiques ne connaissent pas. Jamais un Kabyle n'ira violer l'emblème national !» Pour de nombreux concitoyens, la dernière mesure prise par Ould Abbas en faveur de la communauté algérienne résidant à l'étranger est bienvenue. «Nous sommes en tant qu'étrangers les plus touchés par la crise économique.» «Comme nos enfants malgré leurs diplômes qui doivent se contenter de petits boulots intérimaires, voire du chômage. Cette action des compagnies de transport est bienvenue. Merci.» «Nous ne voulons pas de fitna en Algérie» Mais il est aussi des Algériens qui, profitant de cette élection présidentielle, nous disent que la finalité n'est pas de voter pour tel ou tel candidat, mais bien de se dire que l'Algérie a besoin de tous ses enfants. «Nous devons lutter contre tous ceux qui appellent à la fitna. Et le boycott est une sorte de fitna.» «On ne comprend pas comment le pouvoir permet encore à des ‘‘interdits d'expression'', à des islamistes qui ont mis à feu et à sang l'Algérie, de se pavaner encore ou d'avoir une tribune et des mosquées d'où ils gesticulent encore. L'Etat de droit ne peut leur permettre de s'exprimer ainsi et de tromper encore nos enfants.» «Pour qui se prennent-ils ? J'espère que force restera à la loi dans le futur gouvernement.» Luxembourgeois, M. est patriote jusqu'au bout des ongles. «D'ici, on voit mieux comment se passent les choses chez nous. On a un regard plus critique. Et on voit aussi beaucoup mieux les efforts entrepris. Quand je rentre chez moi, je me rends compte que l'Algérie a beaucoup évolué. Mais sur place je n'entends que des critiques. Dommage !» «Il nous faut un Etat de droit !» Cette autre compatriote n'a cesse de rappeler que l'Algérie a besoin d'un grand coup de balai dans tous les rouages de l'Etat et de ses institutions et surtout d'un gouvernement fort avec une autorité sans faille. Elle se rend souvent au pays et dès l'aéroport, elle «a envie de pleurer». «Pleurer pour ces mendiants qui vous assaillent, ces filles qui se prostituent, ces jeunes ados qui se shootent, ces poubelles qui jonchent les rues, les véhicules et l'anarchie apparente qui transpire partout…» Et pourtant, dit-elle, «bientôt nous aurons notre métro. Pourrais-je l'emprunter ? J'aurai trop peur. Le futur président ou la présidente aura beaucoup à faire pour effacer cette image qui me hante. Oui bien sûr je vote… Oui, je vais voter. Car j'ai mon mot à dire. Ceux qui boycottent sont des imbéciles. Ils n'aiment pas l'Algérie». La communauté algérienne de Belgique et du Grand Duché du Luxembourg se sent très impliquée par cette élection présidentielle. Elle l'a montré tout au long des campagnes de sensibilisation menées par les services de notre représentation diplomatique. Tout au long des réunions qui se sont tenues, les Algériens de Belgique et du Grand Duché ont parlé, échangé, soumis et proposé… Leurs interlocuteurs les ont écoutés, appréciés. Ce n'est sans doute pas un hasard si désormais tout cela se concrétise, lentement mais sûrement, dans le cadre d'une organisation, souhaitée par les ressortissants. Elle leur permettra de défendre, enfin, leurs intérêts dans un cadre légal. Cette élection présidentielle de 2009, au-delà du choix d'un candidat à la magistrature suprême, aura en tout cas permis l'émergence en Belgique et au Grand Duché du Luxembourg d'une nouvelle communauté. De celles qui veulent prendre en main leur destin. Comme l'Algérie.