Fruit roi, et qui plus est dans son propre fief qu'est cette belle plaine de la Seybouse, la tomate se fait rare et précieuse à Annaba. Son prix à l'étalage vole au-dessus de la mercuriale, à travers toute la wilaya et au-delà. Hier encore, elle se vendait à 100 dinars. Elle est cédée à 70 dinars chez les marchands de fruits et légumes au niveau du souk de Drean, qui a pourtant la particularité d'être le marché d'où elle s'écoule par le biais des producteurs eux-mêmes. Une aubaine pour les pères de famille qui peuvent s'y rendre, car cette localité de la wilaya voisine d'El Tarf est située à plus de 20 kilomètres de Annaba. Cela étant, il n'est pas dit que la tomate ne se vend pas. Les ménagères tentées par sa forme et sa couleur cèdent souvent et acceptent de délier les cordons de leur bourse pour en acheter ne serait-ce qu'une livre. Il faut dire que la tomate entière n'a pas le même "statut social" que le double concentré, cet inévitable ingrédient de la cuisine locale. "Coupée en tranches pour agrémenter une salade ou encore pressée et ajoutée à l'une ou à l'autre de ces sauces annabies, elle a une saveur exceptionnelle. Je ne connais pas meilleur fruit. C'est dommage qu'elle soit devenue si chère ces derniers temps", confie cette vieille dame croisée au marché. Sensible à ce cri du cœur, le marchand qui nous fait face tente de la rassurer en affirmant que la récolte sera particulièrement importante cette année avec les dernières pluies qui ont arrosé la région : "Vous verrez, la tomate se vendra très bientôt à 20 DA, peut-être moins. Vous pourrez alors vous régaler". Notre conversation impromptue suscite l'intérêt d'un passant qui ne peut s'empêcher de s'y mêler. "Il y a tomate et tomate, il ne faut pas confondre et se tromper. Ce fruit se décline sous différentes espèces, et celui qu'on trouve généralement sur le marché n'est pas le meilleur", lance-t-il avec l'aplomb de celui qui sait de quoi il parle. Et de poursuivre : "Les sélectionneurs ont eu l'idée de créer des espèces hybrides en croisant une lignée choisie pour son bon goût avec une tomate "mutante" mais naturelle. Ces hybrides "longue conservation" ont malheureusement une tare, car en important le gène inhibé, ils ont hérité de certains défauts de texture du mutant d'origine. C'est pour cela que les consommateurs se plaignent que le goût ne soit pas toujours au rendez-vous". Un exposé qui ne semble pas convaincre la vieille dame sur les qualités intrinsèques de l'objet de sa gourmandise. Pour elle comme pour bon nombre de nos concitoyens d'ailleurs, la tomate quelle qu'elle soit, transgénique ou naturelle, devrait être disponible toute l'année au prix le plus bas possible, un point c'est tout.