L'ambiance était festive hier dans les rangs du Congrès national africain (ANC), assuré d'être reconduit au pouvoir en Afrique du Sud, mais la presse mettait en garde son chef, Jacob Zuma, promis à la présidence, contre les lendemains difficiles. L'ancien mouvement de lutte contre l'apartheid, au pouvoir depuis l'avènement de la démocratie en 1994, a recueilli deux tiers des suffrages aux législatives de mercredi, selon un décompte partiel communiqué à 08h30 GMT. L'Alliance démocratique (DA), issue de l'ex-opposition blanche au système raciste, disposait pour sa part de près de 16% des voix et semblait en mesure d'emporter - pour la première fois - la province du Western Cape (sud-ouest). Le Congrès du peuple (Cope), formé en décembre par des dissidents de l'ANC après des mois de luttes intestines et la démission forcée de l'ex-président Thabo Mbeki, suivait avec à peine 8%. Ces chiffres ne portent que sur 60% des suffrages, mais l'ANC a déjà commencé à fêter sa victoire. Jeudi soir, le parti a organisé une cérémonie pour remercier ses militants lors d'une fête triomphaliste dans le centre de Johannesburg. «Nous savons que le dépouillement est toujours en cours mais nous pouvons sentir les 70%», avait lancé Jacob Zuma devant plus de 2000 personnes. Le parti préparait pour hier soir une «grande fête de la victoire», a indiqué un de ses porte-parole, Brian Sokutu, ajoutant que «des milliers de personnes» étaient attendues. La presse saluait à l'unanimité le «raz de marée» ANC. Le parti a «confirmé l'ampleur de son soutien malgré de nombreux défis de la campagne», soulignait notamment le quotidien The Times. Outre l'apparition du Cope, le parti a dû batailler contre les doutes sur l'intégrité de Jacob Zuma, qui a bénéficié in extremis d'un abandon de poursuites pour corruption à son encontre. «Jacob Zuma et l'ANC ont mené une campagne brillante et réussi à faire passer les élections de 2009 pour un duel entre les riches noirs et blancs d'un côté, et la grande majorité des pauvres noirs de l'autre», analysait l'hebdomadaire Mail and Guardian. Zuma, orphelin de père et fils d'une femme de ménage, «a fait en sorte de s'identifier à la marginalisation des pauvres», poursuivait le journal. Mais, attention, «ils se retourneront contre lui s'il échoue à répondre aux attentes». «S'il n'est pas encore effrayé par l'ampleur du chômage, de la pauvreté et de la criminalité, ni par les faiblesses des systèmes d'éducation et de santé, il le sera bientôt», ajoute son éditorialiste. L'Afrique du Sud est la première économie du continent, mais plus de 43% de sa population vit sous le seuil de pauvreté, tandis que le chômage frôle les 40%. Des statistiques susceptibles d'empirer alors que le pays s'apprête à entrer en récession pour la première fois depuis 17 ans. Autres fléaux : 50 homicides sont recensés chaque jour dans le pays qui compte également le plus grand nombre de séropositifs au monde, avec 5,5 de ses 48 millions d'habitants porteurs du virus du sida. «Le plus grand défi pour Zuma réside dans les espoirs de la classe ouvrière et des pauvres, qui sont en grande partie derrière le phénomène Zuma», renchérissait l'analyste Aubrey Matshiqi, dans le quotidien The Star. «Ces électeurs ont (...) l'espoir d'être sauvés par Zuma, un homme à qui ils ont donné leur soutien parce qu'il a la même origine qu'eux», poursuivait le chercheur. «Mais la réalité est que l'Etat post-apartheid n'est pas en mesure de répondre à leurs aspirations dans un futur proche».