A la tête de la direction centrale de la clientèle de la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF), Tewfiq Rahmouni évoque dans cet entretien les différents projets en gestation. Il répond sans détour aux questions liées entre autres aux retards des trains et au manque de confort. Un nouveau plan de développement et d'organisation de la SNTF a été proposé récemment aux pouvoirs publics, nous confie-t-il. Le Temps d'Algérie : La SNTF pratique-t-elle une politique de remises pour fidéliser sa clientèle, sachant que les usagers sont beaucoup à utiliser quotidiennement le train comme moyen de déplacement ? Tewfiq Rahmouni : Des formules existent sur le plan tarifaire. Celles-ci s'appliquent aussi bien à la banlieue qu'au service régional. Des formules diverses allant de l'abonnement hebdomadaire à l'abonnement mensuel. Nous avons des tarifs pour les seniors, les jeunes et les enfants. Même s'il existe une publicité au niveau des gares, celle-ci s'est avérée insuffisante, et des voyageurs occasionnels notamment ne sont pas au fait des avantages offerts par la SNTF. Il y a donc matière à remettre à plat notre approche commerciale sur ce plan. Sur le service Banlieue, nous offrons des réductions de l'ordre de 25% et 40% pour des abonnements hebdomadaires et mensuels, de 50% pour les enfants de 4 à 10 ans. Pour les autres trains, les réductions sont de l'ordre de 15% pour un billet aller/retour et un trajet minimum de 200 km, 20% pour les tarifs Jeunes (15 à 25 ans et à 28 ans pour les étudiants) et un trajet minimum de 100 km, 20% pour les tarifs 3e âge (à partir de 55 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes) et un trajet minimum de 100 km. Des abonnements sont également proposés donnant des réductions de l'ordre de 35%. Pour des abonnements trimestriels et annuels, outre la réduction, la SNTF offre carrément des mois de transport gratuitement. Il existe également le système de carte spéciale donnant droit au paiement de 50% du tarif pour la banlieue. Cela sans oublier les autres réductions réglementées offertes à la clientèle. Quel constat faites-vous du transport ferroviaire des voyageurs ? Les Algériens sont-ils des adeptes du train ? Il y a eu une période de l'apogée des chemins de fer. C'était vraiment un transport très fréquenté. Mais avec la décennie noire, la SNTF, d'un côté, a perdu des moyens et, d'un autre, a connu la fuite de voyageurs souvent pour les raisons qui prévalaient dans le pays. Il est également important de souligner l'incidence de la libéralisation du secteur des transports routiers sur la fréquentation des trains. Cette ouverture ne peut se faire qu'à l'avantage du citoyen pour lequel des efforts qualitatifs ont été engagés par le passé et doivent être maintenus. Ces facteurs ont pesé lourdement sur notre entreprise. Face à cette situation, la SNTF a été amenée à réduire l'offre de transport. Depuis fin 2007, nous pouvons dire qu'il y a eu une nette reprise, notamment sur l'axe Alger-Oran, et ce, après la mise en place de trains dit de confort et la remise en état de deux trains, effectuée avec nos propres moyens dans une base de maintenance à Sidi Bel Abbès. Satisfaits par les délais de parcours qui ont été ramenés à 4 heures 30 (réellement en moyenne) au lieu de 5 heures 30. Ces trains sont prisés aujourd'hui par les voyageurs. Sur la région Ouest, nous avons enregistré une forte fréquentation, à telle enseigne que des fois nous n'avons pas pu satisfaire la demande et nous étions obligés de renforcer notre flotte de trains. S'agissant de la région Est, il faut dire qu'il y a eu une timide reprise. Cela s'explique par les délais de parcours encore longs. Par rapport à la concurrence, nous avons des parcours un peu longs. Mais ces délais ont été considérablement réduits depuis quelque temps. Avec tous les projets qui sont en cours, notamment la réhabilitation de la voie ferrée et l'élimination de zones à ralentissement, les contraintes sont en train d'être levées une à une, ce qui nous a permis de réduire les délais de parcours. Quel est l'état actuel de votre parc ? Par rapport à la demande actuelle, nous pouvons dire que sur le plan quantitatif, il est acceptable. Mais nous avons en parallèle des prétentions pour mettre à niveau ce matériel. Du point de vue quantitatif, il n'y a pas péril en la demeure. Mais sur plan qualitatif, on doit mettre à niveau notre parc. Il a vieilli et nécessite des réhabilitations. C'est une opération qui est en cours. Quand on parle de réhabilitation, il ne s'agit pas seulement de l'aspect sécuritaire et mécanique du train, mais cela concerne le côté confort, design et conditionnement d'air. C'est ce qui intéresse en premier lieu le client. Nous attendons, ces jours-ci, la réception de nouvelles rames qui seront injectées progressivement dans les services voyageurs. Concernant la banlieue d'Alger, nous allons recevoir 64 rames automotrices, ce qui nous amène à dire qu'il n'y aura pas de manque de trains pour le court terme. Le matériel d'Alger sera, cependant, réaffecté vers d'autres lignes du pays, ce qui nous permettra de souffler pendant quelques années. Certains estiment que vos tarifications sont un peu élevées par rapport à ce qu'offrent les autres modes de transport, notamment les bus. Qu'en pensez-vous ? Sur ce plan, il faut avouer que la notion de rentabilité dans le domaine ferroviaire ne se confond pas avec les attentes du citoyen. Il y a réellement un décalage trop important à ce niveau. Cette question est au cœur d'un important travail en cours avec les pouvoirs publics. Si l'on se place dans cette notion de rentabilité, nos tarifs sont bien en dessous des coûts d'exploitation. Maintenant, si l'on se met dans l'esprit de service public, il y a des niveaux de prix qu'il faut offrir effectivement aux voyageurs. Cette question fait l'objet d'un débat avec les pouvoirs publics, car il y a lieu de faire des concessions, surtout avec la réception du nouveau matériel. Il faut dire que les données ont réellement changé. Les coûts d'investissements sont extrêmement élevés. Il faut bien discuter pour les tarifs à appliquer. Nous sommes en train de faire des simulations. Pour le moment, on ne peut pas donner des chiffres précis. Le système des tarifs promotionnels sera-t-il applicable aux nouveaux trains ? Le principe de promotion ne change pas. Au contraire, nous considérons que notre gamme de tarifs n'est pas suffisante et qu'il va falloir faire de preuve d'imagination pour développer le transport de voyageurs. Il y a nécessité d'offrir de nouvelles formules commerciales. Quelles sont les lignes rentables et peut-on connaître votre principale source de financement ? Ce qui nous a permis de nous projeter sur l'avenir, c'est bien le transport de marchandises. La notion de rentabilité est engagée sur le transport de marchandises. Nonobstant l'effort qualitatif au regard du service voyageurs, nous consacrons une part importante de nos efforts à l'activité fret, particulièrement les vecteurs porteurs traditionnellement acquis au rail. Il s'agit notamment du transport de carburant, de céréales et de produits miniers. Le transport de voyageurs sur les grandes lignes est également une priorité pour l'entreprise. C'est dans cette optique que nous avons acquis 17 autorails offrant la rapidité, la sécurité et le confort. Nous nous attendons à un développement considérable de ce service régional. Le transport de la banlieue d'Alger, qui a plutôt une connotation sociale, car il cible des ouvriers, des ménagères et des étudiants, permet à l'entreprise d'avoir une source de financement non négligeable. Nous avons également les banlieues des autres grandes villes du pays, dont je peux citer Constantine, Annaba et Oran. Quelles sont vos principales préoccupations ? Notre grande préoccupation demeure l'état de nos matériels et moyens de production. Il faut remettre et maintenir en l'état ces moyens, dont certaines locomotives ont plus d'une décennie, ce qui fait que nous avons des temps de disponibilité très bas en termes d'engins, de moteurs et de voitures. Un plan de développement est en cours de maturation avec l'Etat pour mettre le chemin de fer sur les rails. Nous avons la prétention de penser que c'est vraiment possible d'aller vers des performances très prometteuses pour la SNTF et pour le pays. Souvent, on reproche à la SNTF ses retards éternels, le manque de sécurité dans les trains et bien d'autres choses… Si nous devons faire un mea-culpa à ce niveau-là, nous pourrons dire facilement que nous sommes très en deçà de ce qui devrait être fait. Sur le plan qualité, ponctualité et régularité, nous sommes encore loin. Nous avons pu arriver à réaliser des performances dans certains cas, mais notre problème réside dans le maintien de cette performance dans le temps. Cela s'explique d'abord par des raisons internes, dont l'origine trouve sa raison dans la capacité financière de l'entreprise à faire face à ses dépenses.C'est un aspect qui pèse lourdement. C'est une grande lacune qui a freiné le développement du train en Algérie. Sur le plan externe, il y a une conjoncture qui fait que les trains ne sont parfois pas à l'heure. La multiplication des passages à niveau est à ce titre un vrai problème. Nous avons aussi d'autres phénomènes bloquants. Il m'est arrivé personnellement d'être présent aux commandes d'un train et je voyais des chauffeurs de camions faire la course avec nous. C'est vous dire les difficultés qui se dressent contre la volonté de développer le chemin de fer. Cela nous a amenés à prendre des mesures, surtout après quelques cas graves et regrettables accidents. Cependant, ces mesures ne vont pas dans le sens de la vitesse attendue. Nous avions à titre d'exemple l'ambition de faire le trajet Alger-Oran en moins de 4 heures, mais nous constatons que ce n'est pas évident de l'atteindre face à une multitude d'obstacles. La mise en marche de l'autorail sur l'axe Alger-Béjaïa nous inquiète également en raison du nombre de passages à niveau dressés sur la voie ferrée. C'est un risque continuel, surtout pour les autorails dont la marche est moins bruyante que les trains diesel. Comment comptez-vous prendre en charge ces questions ? Des démarches sont en cours avec les autorités publiques particulièrement pour ce qui concerne les passages à niveau illégaux pour leur suppression et les passages à niveau non gardés qui peuvent être très souvent regroupés. Il faut souligner que la réglementation est suffisamment verrouillée pour ouvrir un passage à niveau. Pour revenir à l'autorail Alger-Béjaïa, nous pouvons le lancer, mais les délais ne peuvent pas être écourtés. S'il n'y avait pas autant de passages à niveau, on pourrait réduire le temps de parcours d'une heure environ. Propos recueillis