Le premier forum économique algéro-français tenu jeudi à l'Institut du Monde Arabe à Paris a permis de situer les enjeux et les perspectives de partenariat entre les deux pays. Les participants ont esquissé lors de cette manifestation une véritable stratégie de développement des relations économiques mutuellement bénéfiques. Au-delà de nombreux atouts soulignés fortement et pouvant contribuer à cette perspective, il n'en demeure pas que des contraintes subsistent de part et d'autre. La première édition du forum économique algéro-français initié par la Chambre algérienne de commerce et d'industrie en France (Cacif) et le Forum des chefs d'entreprise (FCE) à Paris a constitué une tribune de riches débats et d'échanges sur l'état des relations économiques entre les deux rives de la Méditerranée, ainsi que sur l'avenir de la coopération. Le forum a vu la présence d'une importante délégation algérienne officielle et patronale, dont on peut citer le chef de cabinet du ministère du Commerce, Ahmed Bouchedjira, le directeur du département du commerce extérieur, Lyès Ferroukhi, le DG de l'agence nationale de l'Emploi (Anem), Tahar Chaalal, l'ambassadeur d'Algérie en France, Amar Bendjama, ainsi que le président du FCE, Ali Haddad. Du côté français, des hauts responsables en charge des institutions économiques ont pris part à cette rencontre, notamment le vice-président de la Chambre de Commerce international de Paris, Jean Michel Delisle, le responsable à la coopération industrielle et technique franco-algérienne, Jean-Louis Levet et le conseiller spécial de Pierre Gattaz, président du Medef, Jean Claude Volot. L'ex-ministre français de l'Economie et du redressement industriel Arnaud Montebourg a assisté également à cet évènement. La participation des chefs d'entreprise a été aussi appréciable. Le président de la Caci France, Kaci-Kacem Aït Yala a évoqué un chiffre de 420 participations dont des PDG de groupes français (Lafarge, Alstom, Thales …) et de patrons de compagnies algériennes et de chefs de PME françaises d'origine algérienne. Malgré l'absence du ministre du Commerce algérien, Amara Benyounès, qui devait inaugurer les travaux de ce forum, la diversité de l'assistance représentant les différents secteurs économiques et administratifs algéro-français a contribué à la réussite de cette rencontre se voulant un cadre de refondation de la relation économique stratégique entre l'Algérie et la France. Les différents intervenants ont tenu à souligner, chacun dans son domaine, l'importance du partenariat entre les deux pays, évoquant une occasion historique à saisir, surtout dans ce contexte de réchauffement et de stabilité des relations politiques. Amar Bendjama : «Nous sommes fiers de ce qui a été réalisé» L'ambassadeur d'Algérie en France, Amar Bendjama, a tenu à saluer l'importante avancée en matière de coopération économique entre l'Algérie et la France ces trois dernières années, une avancée traduite par les nombreuses visites effectuées par des hauts responsables français en Algérie, à leur tête le président Hollande. «Nous sommes fiers de ce qui a été réalisé dans le domaine de la coopération économique, tels que les projets Renault, Alstom et Lafarge. Mais nous voulons plus pour nourrir et développer le tissu industriel algéro-français qui est en train de se créer en Algérie», a-t-il ajouté, avant d'annoncer : «la toute prochaine visite du président Hollande en Algérie sera une excellente occasion pour illustrer et démontrer que ces relations économiques et commerciales entre l'Algérie et la France doivent être pérennes et soutenues par les deux gouvernements». Le président de la Chambre de Commerce et d'industrie (Caci), Mohamed Laïd Benamor, a souligné pour sa part que l'Algérie est à un «moment charnière». «Notre situation financière est assainie. Nos réserves financières sont conséquentes, 180 milliards de dollars. Un riche capital humain. D'ici 2030, un algérien sur deux sera actif. Cela sans parler de notre diaspora vivant à l'étranger. C'est une immense richesse, notre deuxième pétrole. Autant d'éléments qui nous permettent d'enclencher de manière effective et concrète la diversification de notre économie», a indiqué le président de la Caci. Citant des exemples de réussite des projets de partenariat, M. Benamor a estimé que les conditions d'investissements en Algérie ont été améliorées et que la règle 51/49% n'est pas un frein. «Ce mécanisme de 51/49% permet de s'installer en Algérie avec l'ensemble de garanties, à savoir un partenaire qui connaît les réalités du marché. Cette règle n'est peut-être pas amenée à être éternelle, mais elle est indispensable pour garantir à ce stade la pérennité des projets», a expliqué le président de la Caci. Présentant les atouts et les potentialités existant en Algérie et en France et favorisant le partenariat entre les deux pays, Mohamed Laid Benamor a concédé sans ambages : «Nous pouvons réussir ensemble. L'Algérie va réussir sa politique de diversification. Elle est à un virage massivement soutenu par l'Etat et le secteur économique public et privé. Mais la question demeure posée : est-ce que cela se fera ensemble ou avec d'autres partenaires ?» Ali Haddad : «Nous avons besoin de votre expérience» Dans le même contexte, le président du Forum des chefs d'entreprise Ali Haddad a tenu à dire pour sa part que «le potentiel, notamment de la diaspora existant en France, n'est pas suffisamment exploité, alors qu'il peut apporter beaucoup en drainant les investissements et des solutions par des avis éclairés. Pour le président du FCE, la Caci France devra être le fer de lance de la nouvelle vision de l'Algérie dans son partenariat avec la France et de l'avenir. «Nous avons besoin de notre partenaire privilégié. Nous avons besoin de son apport en savoir-faire, en technologie et en management. Nous avons besoin de ce savoir-faire pour diversifier et développer notre tissu industriel», a plaidé M.Haddad, rappelant que les pouvoirs publics ont consacré un montant de 260 milliards de dollars pour l'actuel plan quinquennal de développement. «Nous n'avons pas d'autres solutions pour sortir du tout-pétrole que de diversifier nos ressources de création de richesses. Nous comptons énormément sur la diversification de notre tissu industriel, sur la formation de nos élites managériales et l'élévation de la qualification de notre main-d'œuvre», a appuyé le président du FCE, tout en soulignant que l'économie algérienne a résisté à la crise économique mondiale. Ali Haddad a cité à ce propos les grands agrégats économiques robustes, l'existence d'importantes ressources naturelles et d'un immense territoire, le plus grand du continent africain. Ce sont là des opportunités à saisir, selon lui, pour fonder un partenariat gagnant-gagnant dans tous les secteurs de l'économie. Le président du Forum des chefs d'entreprise a invité les opérateurs français à venir en Algérie et à solliciter le FCE. «Le Forum est à votre disposition et peut contribuer à vous installer définitivement en Algérie», a-t-il précisé, annonçant le lancement d'une étude de faisabilité de la création d'un fonds d'investissement ouvert à une participation de l'Etat algérien. Les institutions financières françaises ont été invitées à y contribuer. Ali Haddad a soutenu dans ce sens que les autorités gouvernementales algériennes sont prêtes à mobiliser des crédits importants pour relancer l'industrie nationale. Relevant l'expertise et la compétence des institutions françaises dans le domaine financier, le président du FCE a annoncé que l'Algérie compte réaliser de nouvelles zones industrielles sur l'axe de l'autoroute Est-Ouest à vocation nationale et maghrébine. Pour ce faire, le FCE souhaite fortement l'implication des entreprises françaises ayant l'expérience requise en la matière. L'engagement de la partie française dans la coproduction permettra de conquérir les marchés de la zone Mena et africain, a soutenu encore le président du FCE. Tokia Saïfi : «L'heure est à la constitution de grands ensembles de coopération» Après l'intervention de Ali Haddad, l'ex-ministre et parlementaire européenne, Tokia Saïfi, française d'origine algérienne, a indiqué de son côté que cette relation privilégiée entre l'Algérie et la France est une chance unique pour les deux pays. «En ma qualité de première vice-présidente de la commission commerce international du Parlement européen, je peux constater chaque jour que l'heure est à la constitution de grands ensembles de coopération», a-t-elle relevé, estimant que les économies des deux pays sont complémentaires et qu'il y a nécessité de débloquer les synergies pour répondre aux défis économiques et sociaux auxquels les deux sociétés sont confrontées. «La France et l'Algérie peuvent devenir des portes d'entrée incontournables et des moteurs d'échanges euro-méditerranéens. La clé de ce développement est entre les mains des acteurs économiques eux-mêmes. Quels que soient les secteurs et la taille des entreprises, les opportunités sont nombreuses à condition de mettre les décideurs en relation», a tenu à dire Mme Saïfi, s'engageant à soutenir personnellement toute initiative allant dans ce sens. Aït Yala : «La diaspora algérienne, une richesse inestimable» Confirmant les liens existant entre les deux pays, le président de la Caci France, M. Aït Yala, a confié, lors de son intervention, que la demande enregistrée lors de ce forum a dépassé toutes les prévisions. «Nous avons dû refuser plus de 400 demandes de participation au forum à cause des conditions limitées d'accueil au niveau de l'Institut du Monde arabe», a-t-il affirmé, avouant que la diaspora algérienne vivant en France constitue une richesse inestimable et une ressource financière indéniable pour l'Algérie. «C'est la deuxième recette hors hydrocarbures. Nous envoyons 2,5 milliards d'euros par circuit bancaire», fait-il remarquer. Le délégué honoraire du FCE à Paris a promis de défendre l'Algérie avec les moyens modernes de l'économie de marché. «Grâce à notre diaspora, nous allons accélérer le processus de développement économique. Ensemble, nous allons construire l'Algérie de demain. Le partenariat ratifié par nos deux présidents de la République nous ouvre la voie de restructuration de notre action», a précisé M. Aït Yala.