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«Le taux d'incidence du cancer augmente dans les pays du Maghreb» Entretien avec le Pr Christophe Chouaid, spécialiste en oncologie thoracique à l'hôpital Saint-Antoine de Paris (France) :
Le Temps d'Algérie : Pouvez-vous nous donner une idée sur l'épidémiologie du cancer du poumon dans le monde, plus précisément en France ? Pr Christophe Chouaid : Dans le monde, le cancer du poumon est la cause d'un million de décès par an, avec des taux d'incidence et de prévalence extrêmement élevés . en Amérique du Nord, en Europe de l'Ouest et de l'Est. La situation au Maghreb est contrôlée mais le nombre de nouveaux cas s'est multiplié par dix au cours des dernières années. En France, on dénombre 28 000 nouveaux cas. Il faut aussi signaler l'apparition du cancer du poumon chez les femmes et chez les non-fumeurs. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le taux d'incidence dans les pays du Maghreb augmente, contrairement aux pays occidentaux ? Est-ce dû aux mesures législatives mises en place par le gouvernement pour jugujer la maladie ? C'est effectivement grâce aux mesures législatives prises par le gouvernement et les pouvoirs publics pour lutter contre le tabagisme. On sait que le tabagisme passif cause un nombre élevé de cas de cancer. En France, la loi a été beaucoup plus longue dans son application. Elle n'a été appliquée que depuis début 2008, et là, on ne peut plus fumer dans les gares, les restaurants, les discothèques. Ces mesures ont été longtemps repoussées par les pouvoirs publics qui redoutaient leur impopularité. Maintenant les restaurants, qui ont vu la fréquentation baisser un peu, ont installé des tables en plein air pour les fumeurs. Ce sont des mesures extrêmement importantes qui auront un impact non négligeable dans les années à venir. Au Maghreb, cette augmentation du taux d'incidence est liée tout d'abord à une transition dans un mode de vie qui a tendance à s'occidentaliser, même en termes de nourriture ; il y a également le manque de rigueur dans les mesures prises pour interdire la cigarette dans les lieux publics. Je crois qu'actuellement, on peut fumer dans les bus, dans les restaurants et même dans les hôpitaux. En France, à partir du moment où il y a eu une amende de 350 euros pour les personnes qui fument dans les lieux publics, l'application a été immédiate. Et en fait, contrairement à ce qu'on pensait, ces mesures ont été très bien acceptées. Le taux de cas de cancer du poumon chez les femmes est en constante hausse dans certains pays comme le Danemark et la Hongrie. Les pays sous-développés sont-ils également concernés ? Cela dépend des pays. Si vous voulez, les pays en voie de développement ne sont pas concernés. En Algérie, je pense que le taux de cas chez les femmes n'est pas très important et ne risque pas d'augmenter dans les années à venir, les femmes fumeuses étant relativement peu nombreuses. Le cancer du poumon chez les femmes est en hausse dans le monde, mais on n'en connaît pas les raisons pour l'instant. Des compagnies de tabac ont été contraintes à redéployer leur investissement dans les pays sous-développés en raison de la politique restrictive des Etats-Unis et de l'Europe à lutter contre le tabagisme. Cela a-t-il une incidence sur l'augmentation des cas de cancer au Maghreb ? Tout à fait. La plupart des compagnies se sont focalisées sur les pays du Sud. Des paquets de 20 cigarettes sont achetés par des adolescents qui veulent s'affirmer. C'est un élément important pour inciter les jeunes à un tabagisme précoce. En France comme en Amérique, il y a une politique extrêmement répressive. Aujourd'hui, un paquet de cigarettes coûte 5 euros. C'est un coût considérable. Actuellement, un certain nombre de personnes arrêtent à cause du prix élevé des cigarettes. Dans les pays du Sud, le prix d'un paquet de cigarettes est encore accessible. Le problème relève en fait de la politique des compagnies qui détiennent le marché du tabac. Est-ce que vous pensez que le taux élevé de mortalité est lié au retard du diagnostic de la maladie ? C'est plutôt lié à la faiblesse des possibilités thérapeutiques. Le cancer du poumon reste la première cause de mortalité chez l'homme et le deuxième chez la femme. Ce n'est pas dû au retard dans le diagnostic ; souvent, pour l'instant, il y a peu de possibilités thérapeutiques, malgré les nouvelles thérapeutiques qui sont en train de se développer. Pour l'instant, le taux de survie est catastrophique, soit 50%. Si on est au stade quatre (maladie avancée), le taux de survie en Algérie doit être de 30%, et c'est faible. Des thérapies encourageantes sont disponibles en Algérie. Dans les mois qui viennent, il y aura des thérapies ciblées en Algérie, en comprimés buvables. Ce traitement ne permet pas des résultats spectaculaires, ce n'est pas une réponse à tous les cas, mais c'est une avancée importante. Propos recueillis par