Le chantre de la chanson kabyle, Lounis Aït Menguellet, s'est, peut-être pour la première fois, laissé aller aux confidences, évoquant bien de «points chauds» ayant jalonné et jalonnant encore son long et riche parcours.C'était avant-hier en soirée sur la chaîne de télévision communautaire BRTV, lors d'une qaâda de près d'une heure tenue loin des studios, dans un espace vert parisien. Entre autres sujets presque récurrents traités, celui de l'engagement. Et à l'illustre convive de donner sa conception du sujet, dont le sien, dira-t-il, remonte à mes tout premiers pas dans la chanson et n'a jamais changé. Pour Aït Menguellet, chanter en kabyle relève déjà de l'engagement, remontant à l'époque, où les gens avaient presque honte de parler en kabyle à Alger. Il relèvera que le concept vaut aussi par le point de vue que l'artiste se doit d'émettre à chaque fois que la nécessité le dicte, quoique parfois cela ne soit pas du goût de certains, précisera-t-il. Par bien d'autres circonstances, comme le consacre une maxime, le silence est de rigueur. Surtout quand il s'agit de gérer la rumeur dont les auteurs, affirmera le chanteur, ne cherchent en fait qu'à vous faire parler et réagir. Il évoquera à ce sujet une constante qui a guidé sa démarche depuis toujours, à savoir son aversion pour la vindicte ou l'insulte à travers la chanson qu'il considère, lui, comme quelque chose de propre, de sain. Question inévitable et que bien d'un téléspectateur attendait impatiemment, la relation du monument avec l'autre citadelle de la chanson kabyle, le défunt Lounès Matoub. Aït Menguellet réaffirmera qu'il entretenait de très bonnes relations avec le Rebelle avant, dira-t-il, qu'une brouille ne vienne tout remettre en cause. Une brouille tout ce qu'il y a de normal et qui ne concerne que nous deux, dira-t-il, tirant à boulets rouges sur tous ceux qui s'y sont investis pour alimenter la polémique. Le chantre ne manquera pas l'occasion de descendre en flammes ceux qui usent de la mémoire de Lounès pour des desseins inavoués. Le dépit de Aït Menguellet à l'égard de ce phénomène a été tel qu'il l'a qualifié de honteux. Il est dommage que les supporters de Matoub post mortem se recrutent parmi ses plus grands pourfendeurs de son vivant, dira encore l'artiste. «J'ai un public extraordinaire» L'artiste, qui animera demain un mégaconcert dans la mythique salle parisienne du Zénith, aura une reconnaissance toute particulière à son public qu'il qualifiera tout simplement d'«extraordinaire». Un public hétérogène puisque composé de tous les âges et essentiellement de familles, et qui sait admirablement se comporter lors de ses concerts. Il écoute quand il le faut et se défoule le moment opportun, témoignera-t-il. D'ailleurs, affirmera-t-il, «j'ai toujours préparé le menu du jour de telle façon à satisfaire tous les goûts, y incrustant à chaque fois de vieilles chansons que je n'ai pas chantées, pour certaines d'entre elles, depuis les années 1970». Une fan bien particulière En parlant de public, Aït Menguellet n'a pas manqué d'évoquer un de ses plus fidèles admirateurs. Une dame qui, dira-t-il, n'a pratiquement pas raté depuis un bon quart de siècle aucun des concerts que j'ai eu à animer dans l'Hexagone. La fan ne rate jamais l'occasion de se faire signer un autographe sur son mendil (foulard) plein de paraphes et qu'elle garde jalousement. Pour la subvention des concerts Au sujet de sa présence sur la scène, Aït Menguellet relèvera la difficulté pour un artiste de sa trempe de pouvoir animer des concerts de façon régulière. En matière notamment d'infrastructures d'accueil à même d'accueillir les nombreux spectateurs et fans, qui ne sont pas en nombre suffisant. Ce qui fait, selon le chanteur, que les organisateurs des concerts pratiquent des tarifs d'accès vraiment excessifs, du tout pas à la portée de tous. Fort heureusement, soulignera-t-il, qu'il y a les diverses tournées initiées par des compagnies et sociétés, prenant l'exemple de celle organisée l'année dernière par Sonatrach. Ou encore les manifestations culturelles auxquelles il est régulièrement sollicité, comme le festival de la chanson amazighe tenu à Tamanrasset. «Ce qui m'a permis, dira-t-il, de redécouvrir cette belle ville que je n'ai pas visitée depuis 1983.» Pour contourner cette majeure contrainte, pas une autre solution pour Aït Menguellet que l'assistance des pouvoirs publics, seule à même de réduire les prix d'accès aux divers spectacles. Pour Aït Menguellet, il n'a jamais été question de mettre un terme à sa carrière. Tout ce qui lui a été prêté à ce sujet n'est, selon lui, que mauvaise interprétation d'un confrère lors d'une entrevue anodine. Se laissant guider par la seule inspiration, Lounis affirme n'avoir jamais associé à son travail un quelconque autre poète. «Ceci, justifiera-t-il, pour ne pas aller à contre-courant de mes idées. Quand il m'arrive de solliciter nos grands poètes et artistes comme Slimane Azem, Si Moh U Mhand et autres pour appuyer mes textes.» Horreur pour le phénomène de reprise Interpellé sur la situation de la chanson kabyle, Aït Menguellet s'inscrira totalement en porte-à-faux avec le constat sévère établi par certains. Il dira à propos de la jeune vague de chanteurs qu'elle a apporté, pour grand nombre d'entre eux, du bien à la chanson kabyle. «J'éprouve personnellement du plaisir à écouter certains d'entre eux», dira l'artiste qui aura des mots durs à l'endroit de bien d'autres qui, selon lui, ont mis à certains moments en danger notre chanson. Notamment au niveau de la création, s'en prenant aux spécialistes de la reprise qui se font des noms sans rien apporter de plus à notre chanson, dira Aït Menguellet.