La finale de la Coupe d'Algérie, qui s'est tenue jeudi 21 mai au stade de Blida, ne semble pas s'être déroulée aussi calmement qu'il n'y paraît. Ainsi, de graves dépassements ont été signalés, à un point tel que le directeur de l'Opow de Blida, Mohamed Khenfir, a porté plainte contre X pour vol et détérioration de biens d'autrui. 72 heures après la rencontre, à l'issue de laquelle le CRB est sorti victorieux, les stigmates de cet évènement demeurent, en plus des centaines de fanions aux couleurs du drapeau de l'Algérie qui ornent les rues de la ville. Aux abords du stade qui a accueilli la rencontre, les agents d'entretien s'activent afin de ramasser les monticules de détritus qui jonchent çà et là les rues. Dans l'enceinte du complexe sportif, les employés ont les traits tendus et le teint rembruni par la fatigue et la chaleur. «Le premier responsable du stade est occupé avec les forces de police et les enquêteurs qui sont venus constater les dégâts occasionnés par les milliers de supportes déchaînés», affirmeront-ils, racontant l'épreuve de force qu'ils venaient de subir. «Ils ont saccagé le stade et les dépendances, ils ont commis des vols, agressé des citoyens et cassé plusieurs voitures», assurent-ils, interrompus par le directeur, «libéré de ses obligations». Il raconte dans le détail ce qui s'était passé. «Nous avons, quelques jours avant le match, connu un grave problème de forage hydrique, les pompes servant à puiser l'eau qui approvisionne le stade, les fontaines, les vestiaires ainsi que les sanitaires ne fonctionnant plus», dit-il. «Il n'y avait pas d'eau, la chaleur était suffocante et le public était contraint de rester des heures durant sous un soleil de plomb». Il finira par concéder que cet état de fait, à savoir la non-disponibilité d'eau pour étancher la soif des spectateurs, a grandement contribué à la folie furieuse dont ils furent pris. Folie furieuse Et quelle furie ! Même si le terrain n'a pas souffert des nombreux actes de vandalisme, hormis quelques sièges arrachés et des grillages affaissés, reste que d'autres unités du stade, qui en compte six en tout, ont fait les frais de ces hordes de jeunes casseurs. Ainsi, la salle d'aérobic, adjacente aux tribunes, a été complètement mise à sac par «une centaine de supporters». A l'intérieur de la salle, l'on aurait pu croire qu'un ouragan était passé : portes forcées et fracassées, bris de verre, casiers renversés, chaussures de sport et survêtements jetés pêle-mêle, machines et matériels démontés et tagués… de même, une salle de conférence a connu le même sort, «mais elle est encore sous scellés de la police». Les saccageurs ne s'en sont pas arrêtés là, puisque la baraque qui abritait les moteurs de la pompe à eau a été saccagée, les tuiles partiellement arrachées et les canalisations ont été démontées, laissant s'écouler des flots d'eau. «Les deux moteurs ont même été subtilisés. Que vont-ils bien pouvoir en faire ?», s'interrogent les responsables du complexe. «Nous sommes vraiment malheureux pour les 350 femmes qui s'entraînent dans cette salle et qui sont pénalisées par ces incidents. Pour notre part, nous avons appris à faire avec ces agissements, devenus partie prenant de tout match de football en Algérie», déplore le directeur. Le staff, tout à sa tâche de faire disparaître au plus vite les traces du passage de ces supporters indélicats, se dit résolument occupé à la préparation du match qui opposera l'équipe nationale à l'Egypte. «Nous devons régler définitivement tous les problèmes qui se sont posés durant cette finale. Quant au reste, une trentaine de personnes ont été, durant le déroulement de la rencontre, appréhendées par les forces de sécurité. De même, à l'issue du passage de la police scientifique qui a pris les empreintes digitales des casseurs, l'enquête suit son cours, et nous avons bon espoir en les résultats qui en découleront», s'enthousiasme le directeur. «La peur au ventre» Bien qu'habitués à la tenue de rencontres de football «à risques» dans leur ville, les citoyens vivent tout de même ces journées «la peur au ventre». «Nous nous sommes cloîtrées chez nous, avec interdiction de mettre le pied dehors», affirme une jeune dame, qui poursuit : «Dans la cité où je vis, une cité de police, des éléments des forces censées maintenir l'ordre dans l'enceinte et aux alentours du stade ont accourus et se sont réfugiés. Ils étaient poursuivis par des groupes de supportes. Ces jeunes les ont attaqués à coup de pierres et d'autres projectiles», dit-elle, mi-grave, mi-amusée. D'ailleurs, les rumeurs concernant des rixes et des actes de vandalisme vont bon train dans la ville des Roses. «Il paraît même qu'il y a eu un mort poignardé», souffle une jeune fille. Pourtant, à l'hôpital M'hamed Yazid, dont le service des urgences a accueilli la plupart des personnes blessées pendant la journée de jeudi, nul trace de décès, mais un nombre important de blessés, déclare le directeur de l'hôpital, Yacine Khechna. «Une cinquantaine de victimes ont été admises dans notre structure. Une trentaine avant 16h, soit avant le coup d'envoi de la rencontre. Ils souffraient pour la plupart de blessures superficielles, entorses, brûlures ou plaies en général peu profondes», indique-t-il. Mais c'est à la fin du match que «l'hécatombe» a eu lieu, avec une vingtaine de blessés «plus ou moins graves», dont 6 ont nécessité une hospitalisation de 48 heures. Chaleur ou vengeance ? Ils présentaient tous des plaies profondes à l'abdomen ou au dos, dues à des coups de couteau, et l'un d'eux présentait même… des morsures de chien ! «Plus grave, il y a eu une vingtaine de traumatismes crâniens plus ou moins lourds, ainsi que cinq blessures ophtalmologiques», s'attristera le responsable sanitaire. Les supporters n'ont pas été les seuls à devoir être évacués à l'hôpital, puisque, révèle M. Khechna, «deux éléments de la Protection civile ont été blessés, ainsi que deux policiers. Deux autres policiers ont été victimes d'insolation, d'hypoglycémie et de coup de chaleur dus à la température et à la foule». D'ailleurs, une vingtaine de spectateurs ont dû être transférés à l'hôpital pour les mêmes symptômes. Ce qui, pour un Blidéen, explique en partie le comportement violent des supporters qui ont fait le déplacement. «Il leur a été formellement interdit d'introduire des bouteilles d'eau dans le stade, tout comme il a été interdit à la direction du stade de leur en vendre, afin d'éviter tout jet de bouteilles sur le terrain. Ils ont sûrement voulu se venger !», explique-t-il. Pour un jeune vendeur, fervent supporter du club de Blida, les raisons de ces débordements sont tout autres, «les Blidéens ont provoqué et agressé les Algérois parce qu'ils se détestent mutuellement, et que lors d'un déplacement au stade du 20 Août, ils nous ont fait subir le même sort. Les autres ont tout simplement suivi», raconte-t-il, sans sourciller. «Que voulez-vous, toute cette violence gratuite… les jeunes sont devenus fous !», conclut un vieillard, levant les bras au ciel, dans un geste las et blasé.