Au-delà du drame des migrants dont la Méditerranée est le triste théâtre, la mort hier au sud de Lampedusa en Italie d'au moins 40 personnes dans des conditions atroces repose avec acuité la problématique migratoire et la politique européenne en la matière qui, faut-il le dire, bat de l'aile. Selon la marine italienne, au moins une quarantaine de personnes sont mortes hier au cours d'un énième drame en Méditerranée. Les conditions «inhumaines» de «transport» de ces migrants fuyant la guerre ou la misère sont en partie responsables de ce nouveau drame. En effet, selon plusieurs sources citées par la presse italienne, les victimes se seraient vraisemblablement étouffées dans la cale d'un bateau transportant des centaines de migrants. Les personnes sont probablement mortes d'avoir inhalé des émanations de carburant. Une voie d'eau s'était déclarée dans la cale du bateau, a expliqué le capitaine du navire qui a porté secours aux naufragés. L'embarcation, qui naviguait au sud de l'île de Lampedusa, transportait quelque 400 personnes, selon le quotidien Corierre della Sera. Le commandant Massimo Tozzi a affirmé à l'Agenzia giornalistica italia (AGI) que 319 personnes étaient saines et sauves, dont quelques mineurs et une dizaine de femmes. Il a raconté avoir «assisté à une scène bouleversante : de nombreux cadavres flottaient à la surface de l'eau, ainsi que des excréments humains et du carburant», raconte-t-il. «Opération de secours en cours sur un bateau. (...) De nombreux migrants secourus. Au moins quarante morts». C'est ce qu'écrivait hier la marine italienne dans un message sur son compte twitter. Un message qui s'apparente à un vrai SOS de quelqu'un qui «navigue à vue» tant il est vrai que cette dernière est confrontée quasi quotidiennement à ce genre de situation. Selon une journaliste de la chaîne de télévision Rai News, qui se trouvait pour un reportage au centre de coordination des opérations de la marine, cité hier par le journal L'express, l'opération de secours a débuté peu après 7h du matin (5h GMT). Un hélicoptère de la marine a repéré un bateau en difficulté à environ 21 milles des côtes libyennes, au sud de l'île italienne de Lampedusa. Le bateau, qui transportait quelque 400 migrants, était «surchargé et commençait à couler», a raconté la journaliste de Rai News. L'Europe perd son identité humaine Le drame de la Mare nostrum (notre mer) la Méditerranée, qui est aussi le nom d'une opération militaire et humanitaire italienne, lancée en 2013, est loin d'être résolu. Tant qu'au Nord persiste le rejet de l'autre avec notamment la montée de l'extrême droite dans nombre de pays du Vieux continent, et dans la rive sud en proie à des guerres comme celle qui persiste en Libye, créée de toutes pièces par l'Occident, persistent la misère et la désolation, la Méditerranée continuera à être ce «cimetière marin» qui dévore les laissés pour compte dans leur quête d'un monde «plus humain». L'un des nombreux naufrages les plus meurtriers enregistrés cette année a fait en avril pas moins de 700 morts. «La plus grande hécatombe en Méditerranée», selon la responsable en Italie du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, Carla Sami. Au lendemain de ce drame, l'Europe s'est mobilisée à travers une «urgente» réunion des ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères pour discuter de… «la lutte contre l'émigration clandestine». Les chefs d'Etat européens réunis trois jours après le drame à Bruxelles ont «entériné» leur politique à travers des mesures visant non pas à sauver ces réfugiés venus d'horizons divers mais à renforcer la sécurité de l'Europe par le biais de la surveillance accrue aux frontières. Le plan prévoit d'ailleurs de tripler le budget des opérations de surveillance des frontières. L'Europe d'aujourd'hui, confrontée à la crise économique mondiale, «évite» d'aller au fond des choses et de reconnaître sa grande responsabilité dans le «drame méditerranéen». L'Europe perd son identité «humaine».