Attention, c'est «coton», on va marcher sur des œufs… Préjugés, susceptibilités et mauvais procès peuvent plomber la joie d'être musulman, mais osons ! Osons le constat d'un jeudi, premier jour de l'an hégirien, sans commune mesure avec l'Algérien jovial et convivial à souhait. Le calendrier, liturgique et civil, dit de «l'Hégire», est exclusivement lunaire. Etions-nous sur la lune, mal lunés ce jour-là ? Des rues vides, des quartiers indifférents, et juste des marchands de fruits et légumes bien achalandés. Dans les foyers, seule l'atmosphère familiale sauvait, plus ou moins, la face lunatique… Pourtant, la première journée de la nouvelle année musulmane est une commémoration, un évènement historique qui se produisit en l'année 622. L'Hégire (rupture ou exil) désigne le moment où notre Prophète Mohamed (QSSSL), avec quelques compagnons, a quitté La Mecque pour se rendre à Médine et y fonder une communauté répondant à ses souhaits, c'est-à-dire soudée autour des mêmes croyances. Cette communauté phagocytée, déchirée, meurtrie par tant de haines et de crimes ne sait finalement pas où se situer à travers le monde. En se référant à ce calendrier, le jeudi 14 octobre 2015 nous abordions l'année 1437 de l'Hégire. Un jour, certes chômé et payé, suffit-il à marquer d'une pierre blanche le calendrier qui aura supplanté, au VIe siècle, le calendrier Julien ? Et, plaisanterie mise à part, un chèque dûment libellé, demain, à la poste ou à la banque et portant la date «4 Mouharem 1437» passera-t-il ? Il passera pour un chèque émis par un Martien sur la lune… Les caractéristiques de l'identité nord-africaine, musulmane, se perdent en gros et en détail. Or, parler sans tabou de cette identité risque de choquer ceux et celles qui font de l'autre nouvel an grégorien, celui qui s'est imposé comme universel, une fête de réveillon, très pompette et à cotillons… Mais bon, point de préjugés, de susceptibilités ni de faux procès, remettons juste les pendules à l'heure d'un nouvel an passé de mode. En fait, tout concourt à nous exclure de ce qui fait vibrer les cœurs, les corps et la fibre festive. La politique ne draine plus grand monde et les soubresauts partisans n'amassent pas mousse. Même le foot ne charme plus, ne passionne plus intra-muros. Il se gargarise plutôt de joutes européennes… Et nos deux sphères, politique et foot, opérant à huis clos, préférant le jeu de coulisse, s'enlisent dans de vaines complaintes. Le commun des mortels, las de courir derrière un hypothétique plaisir de vie bien réel, se met alors en mode virtuel. Il se dirige de plus en plus vers des réseaux sociaux bien fournis. Là où le rêve reste encore permis. Là où le désir de vie existe encore ! Jeunes et moins jeunes sont désormais tous scotchés ailleurs. Pourtant, il n'en a pas toujours été ainsi. Pendant que le terrorisme intégriste faisait régner une terreur noire sur l'ensemble du pays, certes on rasait les murs. Mais, le soir venu, on fêtait entre amis ou en famille tout ce qui nous tombait du ciel étoilé de lumières. On fêtait «Awel Moharrem», «Yennayer», «Achoura» et, cerise sur la gâteau, on festoyait même la bûche du «Baba Nouwel» suivie du jour de l'an universel. Et au fur et à mesure que la vie festive résistait, la crise politique décroissait, la sécurité se rétablissait, le renouveau intellectuel, qu'on disait moribond, se rebiffait. Il est peut être temps de s'en rendre compte en 1437…