A l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation, le ministère de l'Agriculture a mis en avant ses projections pour atteindre l'autosuffisance. Mais ce défi demeure immense pour le pays. La célébration officielle de la Journée mondiale de l'alimentation, prévue aujourd'hui au siège de l'Ecole nationale supérieure agronomique (ex-ENA) d'El Harrach, à Alger, sera placée sous le thème «Protection sociale et agriculture, briser le cercle vicieux de la pauvreté rurale». Pour le département de l'agriculture, il s'agit d'une occasion pour «sensibiliser l'opinion publique sur les problèmes de la sécurité alimentaire et mobiliser toutes les couches de la société civile pour lutter contre la faim et la malnutrition». Cet objectif tracé par les pouvoirs publics reflète en réalité une frustration. Car malgré les importantes enveloppes financières allouées à ce secteur, l'Algérie continue à importer à de fortes devises plus de 70% de ses besoins alimentaires. Cela fait vraiment craindre plus d'un, lorsqu'on sait que les importations sont payées totalement grâce à la rente pétrolière. La facture alimentaire a atteint 11 milliards de dollars en 2014. Ce qui est intolérable pour le pays dépendant des cours pétroliers. La chute des revenus, enregistrée il y a plus d'une année, laisse planer le défaut de paiement et le retour aux années de pénuries des denrées alimentaires. Comment ne pas redouter ce scénario lorsqu'on importe des quantités énormes de céréales, de poudre de lait, de légumes secs et de viande. Même si la production nationale en produits agricoles a connu une relative amélioration ces dernières années, il n'en demeure pas moins que la dépendance des importations s'est encore accentuée. Le défi de la sécurité alimentaire est difficile à atteindre, pour ne pas dire que cela relève de l'utopie. La léthargie que connaît le secteur dans ses différentes branches est à ce titre illustratif de ce constat amer. Les projections de Ferroukhi et la réalité Selon le document publié hier par le ministère de l'Agriculture, du développement rural et de la Pêche, pour le quinquennat 2015-2019, on table sur une production de 69,9 millions de quintaux de céréales en 2019, contre 34,4 millions de quintaux en 2014. «L'Algérie ambitionne d'augmenter les superficies céréalières menées à l'irrigué. Ces dernières sont estimées actuellement à 200 000 hectares», indique un document du ministère rendu public hier. L'objectif est d'atteindre 2 millions d'hectares menés à l'irrigué à l'horizon 2019, dont 600 000 hectares pour les céréales. La production céréalière doit ainsi doubler dans les quatre prochaines années. Ce qui est, selon des agriculteurs, difficile à atteindre en raison du faible rendement à l'hectare qui ne dépasse pas le seuil moyen de 20 quintaux. Pour certaines filières qui peuvent contribuer à la sécurité alimentaire du pays, le ministère a fixé des objectifs d'amélioration des rendements. Pour la pomme de terre, le ministère prévoit d'atteindre 67,7 millions de quintaux en 2019 contre 54,44 millions de quintaux en 2015 et 46,8 millions de quintaux en 2014. Mais pour atteindre ce niveau de production, la filière devra connaître une nette amélioration en termes de rendement. D'ailleurs, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a appelé lors de la dernière tripartite, tenue mercredi à Biskra, à créer des partenariats avec des investisseurs en vue d'augmenter ces rendements pour produire 900 quintaux/hectare au lieu de 500 qx/ha, difficilement atteints dans les meilleures conditions de production. Sellal a même préconisé de créer une banque de soutien aux agriculteurs et a exigé à ce titre de réformer la Caisse nationale de mutualité agricole pour la transformer en banque spécialisée. Les agriculteurs, en revanche, soulèvent la question de la concession agricole qui ne leur permet pas de s'engager pleinement dans de nouveaux investissements. Ils préfèrent être propriétaires des terres agricoles qu'ils exploitent depuis des dizaines d'années, en guise de garantie à leurs investissements. Des intervenants de la filière datte ont fait part de cette préoccupation au Premier ministre, lors de son déplacement mercredi à Biskra, car ils éprouvent des difficultés pour maintenir leur activité. Certains redoutent les conséquences de la sécheresse qui commence à frapper leurs palmeraies et réclament la réalisation de nouveaux forages. L'objectif du ministère pour produire 12,57 millions de quintaux de dattes en 2019 doit être, à cet égard, assorti de solutions durables pour cette filière. Quid, des projections du ministère visent également l'amélioration des conditions de vie des populations des zones rurales. Les projections faites en la matière sont, disons-le, trop optimistes et ne reflètent pas la réalité. L'exemple de la filière lait est la meilleure illustration de l'échec de cette politique. Les éleveurs, surtout des régions montagneuses, sont en crise et délaissés par les pouvoirs publics. Ils travaillent à perte à cause de la politique de subvention qui a favorisé les importations de la poudre de lait au détriment du lait cru. Malgré les appels de détresse lancés à plusieurs reprises, ils se disent contraints à réduire leurs exploitations alors que d'autres ont carrément décidé de changer d'activité professionnelle. Dans ce cas de figure, il est très difficile de tirer un bilan satisfaisant sur l'agriculture qui patauge dans de multiples problèmes.