Après son exposition «Ar mûre», Mustapha Nedjaï persiste et signe avec une autre qui s'inscrit dans une suite intitulée «Coups de barre» qui se tient jusqu'à la fin du mois à la galerie Racim. Fidèle à son style et à ses principes, l'artiste peintre garde son langage pictural véhément et engagé. Pas de changement d'orientation, une continuité qui concède une force et une ardeur à ses toiles. Dédaigneux de toute convention et académisme pictural, sinon celui de ses diktats, Mustapha Nedjaï fait preuve dans ses compositions d'une imagination et d'une stylisation personnelle remarquable. La diversité Sa cinquantaine d'œuvres diverses, infographie, lithographie, dessin, technique mixte et photomontage traduisent le désarroi du monde et de l'individu. L'homme est en proie à ses démons et à ses rapports avec autrui. L'incommunicabilité, l'appréhension, l'inquiétude, la déliquescence et la solitude sont bien représentées. Ses différentes toiles sont autant de jalons d'une expérience faste imposant la considération et forçant le respect. Dans ses suggestifs tableaux, la synthèse plastique renforce l'expression de l'idée. Le lacis de formes donne plus de solidité à l'œuvre, rehaussée par tant de couleurs. Il dispose ses teintes en vastes nappes en aplats rouge et noir avec des mouvances sombres. Ses formes capricieuses, douloureuses lovées sur elles-mêmes reviennent comme une antienne. Ces toiles dramatiques et poignantes où apparaissent cette souffrance et ce musellement inspireraient les adeptes de l'abstrait. Nedjaï transpose ses émotions pathétiques dans l'ampleur d'une richesse chromatique. De ces toiles se dégage une libération totale de la création artistique ; son apport se signale par une mesure réflexive dans un art déductif. Le silence de l'artiste Les tags aux tons criards concèdent un rôle privilégié à ces derniers ; l'artiste aimerait dire «tagons, tagons à l'envi», puisque le silence est partout maître des lieux. La liberté a été bâillonnée et la démocratie enchaînée ! Il dénonce et stigmatise toutes les formes d'hypocrisie sociale. Dans son univers clean, aseptisé, tout est broyé par Nedjaï qui abhorre la malhonnêteté, le mensonge, la médiocrité et la bêtise. Beaucoup d'effroi, de tourmente émanent en montrant un artiste muré dans sa peine et son silence. Ce cri d'appel lancé comme une bouée de sauvetage sera-t-il entendu ? Sa palette chamarrée plaide pour un message lesté à une ire et un désespoir explorant les confins d'une âme agitée. Sa complainte plasticienne se veut obstinément une tribune d'un discours que l'on a censuré. Et pour pasticher Baudelaire, «on dira silence, silence, tout est régenté». Cette exposition captivante suscite moult interrogations et interpelle tout un chacun.