Ar mûre Suite «Coups de barres» est ouverte jusqu'au 11 juin. A voir et à ressentir. Conforté par les conditions dramatiques politiques et sociales qui prévalent dans notre pays, la nouvelle exposition de Mustapha Nedjaï qui se tient depuis jeudi dernier à la galerie Mohamed Racim renferme les blessures de l'artiste mais aussi ses révoltes quant aux maux qui secouent sa société. Des figures semi-abstraites, en noir et blanc, viennent inonder des visions cauchemardesques que l'auteur de Ar mûre Suite «Coups de barres» se plait à décliner sous différentes formes plastiques, des gravures, des lithographies, des dessins, photos-montage et des peinture, réalisées en techniques mixtes, ajouté à cela deux installations, le cube et le code-barres, en hommage aux harraga. Le cube renvoie au fameux rébucube en couleurs sauf qu'ici il est en cristal, avec le mot «oui» gravé au laser. «ce n'est pas un cauchemar éveillé que je décris. Le cauchemar continue plutôt!» nous confie Mustapha Nedjaï. Et d'indiquer: «J'ai intitulé mon expo Ar mûre, parce que j'ai la prétention de dire que je suis mûr à présent du haut de mes 51 ans et aussi en référence à l'armure qu'on porte, mais également au mot "mur". je continue à travailler dans la même thématique de 2006. Je dis qu'il y a des murs visibles mais les plus dangereux dont les murs invisibles qui sont dans chaque tête, notamment». Cette exposition fait ainsi suite à la première présentée en 2006. Quelques tableaux inachevés sont aujourd'hui accrochés sur les cimaises de la galerie Racim. L'artiste exprime aussi son ras-le-bol par ces «coups de barres» liés à un contexte bien précis, celui politique que l'Algérie a vécu il y a quelques semaines...«C'était le coup de barre pour moi, il fallait que je fasse quelque chose avant d'éclater et exorciser ce qui était trop pesant pour moi.». En effet, dans Matière à.. une juxtaposition de codes de barres bien agencés forment un tableau à la pop-art. des mots comme démocratia (démocratie), chehama (dignité), el charaf (l'honneur), el amel (l'espoir) ou autre valeur comme el hob (l'amour) viennent agrémenter ces barres, lesquelles sont fortement répandues dans cette exposition. «Des valeurs qui se banalisent aujourd'hui» dit l'artiste, renvoyant aussi au marchandisage de l'homme et sa veulerie au profit du gain facile...Miroirs, mur, coulisse, tension, coût d'état, trouble, distorsion, sont autant de titres évocateurs parfois des jeux de mots illustrant même la déraison sous forme de dérision de l'absurdité dans laquelle nous vivons. Un des tableaux légendé par une citation de l'écrivain Yasmina Khadra dit ceci: «Tout Algérien qui meurt de la mal-vie est un crime, tout cerveau qui s'exile est un assassinat, tout espoir qui s'éteint est une trahison et tout aveu d'impuissance de la part d'un décideur est une catastrophe. Alors lequel des miracles choisir: celui de la rédemption ou bien celui de la démission». «L'émanation de tout ce que je fait c'est par rapport au vécu, c'est une critique sociale. Malheureusement les choses n'avancent pas comme on le souhaite. Je dirai même qu'elles régressent. Personnellement ça me rend malade...Parfois j'ai même envie de quitter le pays. Il faut changer de comportements», souligne le plasticien dépité. En effet, c'est avec tristesse et émotion que Mustapha Nedjaï nous parle de son exposition qui renvoie, en effet, à tous ces murs de la honte, de souffrance et de lamentations qu'érige l'être humain pour en diviser d'autres. A ces barrières économiques, ces murs du silence qui font peur ou qui poussent les peuples à s'opposer entre eux ou à des frères à s'entre-tuer. Ces murs qu'on abat également pour y dresser des sépultures, dans ce monde sombre sans foi ni loi, où les règles de jeu se trouvent souvent inversées, renversées, cantonnées que nous sommes entre les murs de l'hypocrisie et d'infamie qui ne dit pas son nom...l'artiste Mustapha Nedjaï, par son exposition, l'exprime et a le mérite de le dire haut et fort, en symbole certes, mais avec talent et recherche esthétique avérée. Ar mûre Suite «Coups de barres» est ouverte jusqu'au 11 juin. A voir!