La ville d'Akbou a abrité hier un colloque scientifique autour du déclenchement de la guerre de Libération nationale, organisé par l'association Med-Action qui agit pour la citoyenneté et la jeunesse. Une initiative à travers laquelle l'association ambitionne d'apporter sa contribution à l'écriture de l'Histoire en faisant appel à des historiens et des juristes aussi bien algériens que français à l'image de Gilles Manceron, Gilbert Meynier et Tahar Khalfoune qui ont apporté chacun de son côté les éléments de réponse nécessaires à la question nodale de ce colloque, à savoir «pourquoi le 1er Novembre 1954 ?». L'historien Gilbert Meynier auquel a échu en premier de jeter la lumière sur l'évolution du mouvement national a de prime abord rappelé la propagande de la France coloniale qui a tenté d'attribuer le déclenchement de la lutte armée au Caire qui venait de réussir sa révolution deux ans auparavant. «Ce sont les injustices coloniales qui ont amené le FLN à allumer la mèche», dira le conférencier. Le code de l'indigénat adopté en 1881, soit dix ans après la révolte d'El Mokrani, qui assujettissait les Algériens à un régime infâme décliné sous forme de mesures ignominieuses comme les travaux forcés, les séquestrations de biens, l'interdiction de circuler librement, les impôts et taxes, les réquisitions arbitraires, constitue pour le conférencier un élément très important dans l'évolution du système colonial ayant concouru largement à la prise de conscience. L'historien a développé une nouvelle approche du colonialisme qu'il définit comme un système raciste. Il a fait appel dans son argumentaire à l'institution de la commune dans l'Algérie coloniale qui a vu la naissance de deux catégories de communes : les communes mixtes gérées par un administrateur désigné et les communes de plein exercice dirigées par un maire élu par la population. En survolant les dates essentielles dans le parcours du mouvement national, l'orateur a marqué un arrêt à une date qui a impulsé une nouvelle dynamique à la lutte armée. Il s'agit de l'affaire de l'arraisonnement de l'avion qui transportait les cinq dirigeants du FLN. L'historien en puisant dans les témoignages recueillis auprès de Lakhdar Bentobal a révélé que tout l'état-major de la Wilaya II historique, inscrit dans une volonté de guerre, a sauté de joie lorsqu'il a appris que Guy Mollet a décidé de ne pas libérer les otages algériens. Est-ce à dire que la Wilaya II était déjà entrée dans une phase de préparation d'une prise de pouvoir à l'Indépendance, d'autant que l'essentiel des dirigeants de l'Algérie indépendante provenait de cette région du pays ? Le conférencier, même s'il a suggéré à demi-mots cette thèse dans sa communication, a soigneusement esquivé notre question. Gilles Manceron, qui lui a succédé, a abondé dans le même sens en développant une thèse qui donne à la lutte armée une dimension philosophique en ce sens que le FLN a apporté les éléments nécessaires pour la construction d'un nouveau concept d'anticolonialisme en pratiquant une séparation avec les religieux. Pour l'orateur, cette séparation qui n'existait pas dans les résistances conduites par les «chérifs» (nobles, ndlr), est peut-être l'une des clés du succès de la guerre d'Indépendance. «Contrairement aux mouvements insurrectionnels conduits par les ‘‘chérifs'', le FLN a adopté une idéologie et des formes d'organisation séculières, avec des objectifs politiques», soutient le conférencier. La spoliation dont ont été victimes les propriétaires algériens est tout un travail de recherche présenté par le professeur Khalfoune à travers lequel sont mises en exergue les différentes étapes historiques par lesquelles sont passés les biens pendant la période coloniale. Le chercheur en rappelant que le «territoire fut la première cible des législateurs français» désigne les véritables objectifs de la colonisation : déposséder les Algériens de leurs terres aux fins d'exploitation par les colons qu'elle a fait venir en masse. Rachid Adjaoud, ancien officier de l'ALN : «J'appelle les autorités françaises à faciliter le travail des historiens des deux pays en mettant à leur disposition les archives, notamment sur les circonstances de la mort d'Amirouche et le lieu de l'enterrement de Abderrahmane Mira qui alimentent la haine entre Algériens. Que la France cesse d'utiliser les harkis rapatriés et abandonnés ensuite. Les politiques français, qui manipulent ces Algériens, doivent savoir qu'ils ont laissé ici 400 000 harkis qui jouissent de tous leurs droits et vivent sereinement parmi nous.»