Réhabiliter un pan de l'histoire de l'Espagne musulmane et évoquer les similitudes et les points de convergences entre l'Andalousie et le Pérou en matière de peuplement, de coutumes, de culture, d'art et de gastronomie, tel est l'objectif de l'auteur Jaime Caceres Enriquez, dans son ouvrage Al Andalous au Pérou aux Editions Casbah. Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Pérou en Algérie en 1980, Jaime Caceres Enriquez a tenu, lors de rencontres et de conférences, à lever la chape de plomb sur ce pan de l'histoire de l'Espagne intolérante et barbare. Ayant vécu plus de sept siècles en Espagne, les Arabes étaient à leur apogée dans tous les domaines, art, culture et architecture. Un melting-pot avec les communautés chrétienne et juive ont permis une ambiance conviviale et féconde propice au développement de la culture et des arts. Avec la chute, en 1492, du royaume des Abencérages de Grenade, l'Amérique latine, le Maghreb, la France et la Turquie ont été les pays réceptacles des morisques chassés d'Espagne et pourchassés par les tribunaux d'Inquisition et par les diverses lois, comme l'édit de délation et celui de la pureté de sang. Ces lois visaient l'interdiction pour les morisques de diffuser la religion et la culture musulmanes dans le Nouveau Monde, d'autant que la conquête de l'Amérique par les rois catholiques s'était faite sous la bannière religieuse et mercantile. L'apport des morisques au Pérou Dans cet ouvrage compartimenté en divers chapitres et études, Caceres Enriquez témoigne de l'apport des morisques au Pérou et de l'impact de la civilisation arabo-musulmane dans ce pays. Sur la base d'archives, il plaide pour la contribution de cette civilisation aux cultures latino-américaines à travers l'Espagne. Il démontre que dans les idiomes, divers mots arabes ont leur influence, au niveau culinaire, et des mets des Morisques ont laissé des empreintes dans la gastronomie péruvienne. En matière de populations, les premières vagues d'immigrants forcés, en 1611 et reconvertis au christianisme ont permis le peuplement de ce pays avec l'apport de femmes blanches dans cette société d'Incas. Dans le registre religieux, l'auteur trouve de nombreuses ressemblances entre les deux religions monothéistes. En fin connaisseur, il évoque les analogies tout en faisant un rappel succinct des deux religions. Selon certains auteurs, études et colloques, il a été présenté que l'idée de Morisques ayant franchi l'Atlantique est fausse. Or Caceres Enriquez estime que les archives et témoignages de personnages ayant participé aux diverses expéditions, comme Christophe Colomb, Hernan Cortès, Fernando de Magellan et Francisco Pizarro, sous la férule des rois catholiques ou de Charles Quint, sont formels sur la présence de Morisques et leur influence dans cette partie du monde en ces XVIe et XVIIe siècles. Dire la vérité En seconde partie, il rapporte les répercussions de cette civilisation d'Al Andalous sur le milieu inca. L'auteur estime qu'il est temps de rapporter fidèlement la vérité occultée par l'Etat espagnol et l'Eglise catholique. Ce déni de l'histoire est lié à une position politique qui a perduré tout au long des siècles mais qui, à la faveur du 500e anniversaire, fait l'objet d'une relecture de l'Histoire. «La participation de l'Espagne musulmane à cette rencontre de Mondes en Amérique ne pouvait, ne devait, ni ne fut recensée dans les Annales de l'histoire du XVIe siècle dans nos pays», disait-on officiellement. C'est un déni de ne pas reconnaître la participation des Maures dans le processus des découvertes de la colonisation, ce qui constitue un tollé aux yeux de cet ambassadeur et une falsification de l'Histoire. Dans cette optique, l'auteur justifie cette position par le fait que «recenser la présence d'éléments arabo-islamiques à l'époque cruciale de l'évangélisation du Nouveau Monde aurait porté un sérieux coup à l'un des piliers qui justifièrent la colonisation. Cet ouvrage est porteur de vérités et de certitudes sur l'impact des Morisques dans le Nouveau Monde. Il fait appel à celui de Lucas, le Morisque ou l'histoire d'un manuscrit perdu, de Adriana Lassel, et de Ô Maria, de Anouar Benmalek qui, à travers une histoire romancée, appréhende cet aspect que l'on ne peut omettre ni dissimuler. Ce livre comme un vade-mecum renseigne fortement sur ces pans de l'Histoire souvent dévoyée et mise sous le boisseau.