Avec La maison du griot, Sadia Azzouz-Talbi nous introduit dans le monde féérique et fantastique des contes par sa riche faconde et sa verve lyrique. Edité par Zyriab, cet ouvrage qui se veut une fiction est un réceptacle d'histoire, de culture et d'anthropologie qui nous emmène aux confins du Mali et du Niger. L'auteure a puisé dans le substrat culturel et social de cette Afrique exubérante et florissante, matrice de l'humanité où Lucie fit son apparition il y a des millions d'années. Riche et foisonnante en faits, en événements, en ésotérisme, en légendes, la terre africaine est magique. Elle dégage une aura que l'auteure a su capter pour nous livrer son prodigieux récit. Sadia Azzouz-Talbi a revêtu sa cape et son bâton de pèlerin en débusquant les rives du fleuve Sénégal et à remonter le temps en plongeant dans l'époque du moyen-âge maghrébo-sahélien pour narrer la mystérieuse saga d'une fille et de sa mère métamorphosées en chamelles par un sorcier dont la demande en mariage a été refusée. Une grande imagination Cette vindicte permettra aux deux femmes de découvrir d'autres horizons, notamment les hauts plateaux ainsi que des personnages de confrérie dont l'ascétisme est érigé en loi et en mode de vie. Les Ouled Sidi Cheikh et les Abiod qui cohabitent en harmonie recueilleront ces deux chamelles. Vivant séparément dans la région, chacune suivra son maître et le destin clément les réunira de nouveau après de longues péripéties et épreuves. De ce livre passionnant émanent une fraîcheur et une imagination féconde. L'auteure chevronnée dans le domaine de la narration a su fidèlement décrire des lieux et donner des informations sur cette contrée sahélienne et africaine. Très au fait des recherches sur cette contrée, elle évoque avec moult détails et précisions les vents du Sud, les montagnes et les cités des hauts plateaux et du Sahel qui ont connu un essor certain. Talaouala (Djebel Amour), Tombouctou, Tamentit, les déserts du Ténéré et du Tanezrouft n'ont plus de secret pour l'auteure qui les décrit avec minutie et exactitude. Rien n'est laissé au hasard et la fabuleuse conteuse Sadia ne s'essouffle pas. Le rythme est soutenu et le suspense présent. Son écriture alerte, vive et détaillée dénote d'un sens de l'observation exacerbé. Sa narration enchante et fascine. Nul doute que les deux premiers romans de l'écrivaine en sont imprégnés. Il est à noter que Sadia a fait beaucoup de recherches historiques et consulté de nombreux documents qu'elle a alliés à une imagination débordante. L'auteure a revisité scrupuleusement les traditions et us de cette contrée et vivifié cette mémoire collective engrangée à travers des générations d'histoires de cette aire géographique dense pour conter l'histoire des Sanhadjas, peul, bozo, arabes, malinké, touaregs, hawssa, mossi et songhay.
Vivre en harmonie Cet immense ensemble sahélo- africain a su, malgré les âges, garder les codes de ce langage propre à ces populations pour communiquer avec comme dénominateur commun cette volonté de vivre en harmonie et cet espoir de solidarité. La maison du griot est une saga fantastique qui nous renvoie à de vraies valeurs souvent mises sous le boisseau ou disparues du lexique de bon nombre de citoyens lambdas. Cette fabuleuse histoire devrait être au programme scolaire afin de montrer aux jeunes générations l'esprit de sacrifice et les qualités philanthropiques de ces hommes. En outre, ce livre se décline dans la foi en l'homme et la perception de la nature en symbiose avec l'homme. La maison du griot nous replonge dans cette Afrique au legs culturel ancestral dont on ne peut se départir et nous réconcilie avec nos valeurs d'entraide et de liberté. C'est une lecture divertissante avec à la clé plaisir et délectation.