Le témoin Chekired Hocine, ex-directeur général adjoint de Sonatrach, chargé des activités de transport par canalisations (2006-2008), a affirmé hier devant le tribunal criminel d'Alger que la commission des offres techniques avait déclaré en 2008 infructueux l'appel d'offres relatif au projet du gazoduc entre l'Algérie et la Sardaigne (GK3) car deux sociétés seulement avaient soumissionné. Auditionné par le tribunal criminel d'Alger dans le cadre du procès de l'affaire Sonatrach 1, le témoin a indiqué qu'il a adressé une correspondance au PDG, Meziane Mohamed, après la publication de l'avis d'infructuosité pour l'informer de la situation, d'autant que la directive A408 R15 ne prévoit pas la démarche à suivre en pareil cas (vide juridique). «Sonatrach pouvait alors annuler le marché sans incidences financières», mais «le PDG a ordonné de poursuivre les procédures du marché avec seulement deux soumissionnaires», a-t-il rappelé. Le marché est passé au gré à gré simple en négociant les prix au profit du groupe italien Saipem Contracting Algeria. Le projet GK3 avait été divisé en trois lots, le troisième étant revenu à Saipem Contracting Algeria malgré ses prix «élevés», selon le témoin. Le projet a été lancé conformément à la directive R15 A408 à travers l'annonce de l'appel d'offres ouvert qui a permis de retenir 11 sociétés pour les lots 1 et 2, et 6 sociétés pour le lot 3. Cependant seules deux sociétés avaient soumissionné pour le lot 3, a ajouté le témoin, ce qui a conduit la commission chargée de l'étude des offres techniques de déclarer infructueux cet appel d'offres. Pour sa part, le témoin Aoudi Fadhéla, présidente de la commission technique et commerciale du projet du gazoduc entre l'Algérie et la Sardaigne a indiqué à ce sujet que c'est l'ex-PDG qui avait permis la poursuite de l'appel d'offres ouvert avec seulement deux sociétés dont Saipem, en contradiction avec la directive R15 A408. Le PDG a justifié sa décision par le «caractère urgent et sensible du projet de gazoduc entre l'Algérie et la Sardaigne», a ajouté le témoin, soulignant que de «nombreux projets ont été annulés faute de soumissionnaires». «Les directives internes de Sonatrach à l'instar de la règle R15A408 confèrent à la compagnie «un cadre légal rigoureux» pour l'organisation et la gestion des marchés publics conformément aux normes internationales, ce qui encourage les sociétés internationales à prendre part aux appels d'offres lancés par Sonatrach, a indiqué le témoin Chekired. Ces directives sont considérées comme un règlement intérieur qui stipule que le lancement d'appels d'offres internationaux pour de grands projets est «un principe essentiel», a-t-il précisé. Le directeur général est le garant de l'application des directives internes de Sonatrach et il est habilité à décider du recours exceptionnel aux contrats de gré à gré, s'il est nécessaire «pour gagner du temps», a-t-il ajouté. Le directeur général est habilité à «donner son approbation quant à la négociation des coûts dans certains cas», ce qui est «rare», a-t-il dit, comme c'était le cas pour le projet du gazoduc entre l'Algérie et la Sardaigne (Italie- GK3), pour lequel les coûts ont été négociés et l'accord conclu avec le groupe italien Saipem Contracting Algeria sur la base du gré à gré simple. A une question sur le budget utilisé par Sonatrach pour financer ses grands projets, le témoin a indiqué qu'il est constitué des profits et des bénéfices réalisés par Sonatrach dans le cadre de ses différents projets, précisant que le budget de Sonatrach ne provient ni du ministère de l'Energie et des Mines ni du Trésor public. «C'est Sonatrach qui finance le Trésor public», a-t-il soutenu. La séance de l'après-midi a été consacrée à l'audition des témoins concernés par le projet de rénovation du siège de Sonatrach à la rue Ahmed-Ghermoul (Alger). Le procès de l'affaire Sonatrach 1 dans laquelle sont impliquées 15 personnes et 4 entreprises étrangères et nationales pour corruption a débuté le 27 décembre dernier au niveau du tribunal criminel d'Alger.