Le hameau d'Ath Ahmed s'est réveillé froid, froid d'une nuit qui fera, une heure à peine après l'aube, un paysage majestueux. Déjà au loin, les premiers vrombissements de voitures, de cars, de voix de marcheurs… se font entendre. Brusquement, le remue-ménage de la veille recommence. Les préparatifs de la commémoration du 40e jour du décès d'Ait Ahmed ont commencé depuis deux jours. Moins d'une dizaine de veaux ont été sacrifiés, des dizaines de kilos de couscous ont été roulés et des gâteaux ont été offerts par des bienfaiteurs. La famille de Si l'hocine s'attend à recevoir du monde pour la construction de la tombe du personnage cher au cœur du peuple algérien. Ils n'ont pas fait d'annonces, mais ils savent que les sympathisants à la cause et à la mémoire de Dda El Ho sont très nombreux. C'est en toute intimité que les membres de la famille Ait Ahmed ont souhaité pratiquer le rituel des 40 jours, mais finalement, ce sont des milliers de citoyens venus des quatre coins du pays qui ont tenu, eux aussi, à se recueillir, hier, sur la tombe du leader historique. Plus que les membres de sa famille, des habitants de la commune d'Ath Yahia, ceux de différentes régions de la wilaya de Tizi Ouzou et celles d'autres wilayas du pays ont parcouru des centaines de kilomètres pour rejoindre le village natal, qui a vu naître le révolutionnaire, l'historique et l'homme politique. Perché sur les hauteurs du Djurdjura, le hameau d'Ath Ahmed, commune de Taka, était pendant la journée d'hier le lieu de toutes les convergences. 9h tapantes, le mausolée de Cheikh Mohand Oulhocine est déjà bondé. Des hommes pour la plupart ont pris d'assaut les lieux saints de la bourgade. C'est à celui qui se placera au plus près de la tombe aménagée. L'atmosphère était plus à la célébration qu'au recueillement. Fleurs et émotion… ! Les nouveaux bouquets de fleurs se passent de main en main avant d'être installés près de la tombe du regretté. Sur l'un d'entre eux, on pourrait lire : «Repose en paix, Si El Hocine» ou encore «Paix à ton âme Dda L'Ho, un visiteur de Bab Ezzouar». Autour, jeunes et moins jeunes agitent des photos du défunt pendant que d'autres se font entendre avec des lectures du Coran. D'autres assis à même le sol ou sur les collines qui entourent le village récitaient, chacun dans son coin, la Fatiha. Massi, un petit cousin de Hocine Ait Ahmed, nous confie qu'une foule très nombreuse est attendue. Il pense que déjà plus de 5000 sont sur place et que d'autres sont en route. Pour l'instant, aucun slogan anti pouvoir n'a été entendu. L'atmosphère est paisible, même si de temps en temps de petites bousculades se produisaient. Ici, les gens se connaissent tous ou presque. Ils ne cessent de se saluer ou de s'enlacer. En dépit de tout ce monde, aucun dispositif de sécurité, à l'image de celui qui a été déployé pendant les funérailles, n'a été aperçu sur les lieux. Seul un 4x4 de la gendarmerie est passé s'enquérir de la situation. Dans un coin du hameau, une ambulance est stationnée. On nous dit qu'aucun officiel n'a annoncé sa participation. Même le wali de Tizi Ouzou a annulé sa venue pour un empêchement de dernière minute. «Laissez-nous tranquilles» ! Il est évident que cette affluence a, à un moment ou un autre, pesé sur la famille de Hocine Ait Ahmed. Si Djamila (sa veuve), Salaheddine (l'aîné) ou encore Jugurtha (le cadet) ont tenu le coup, cela n'a pas été le cas pour Bouchra, la seule fille de Hocine Ait Ahmed. «Laissez-nous tranquilles, a éclaté Bouchra en s'adressant aux photographes et cameramen qui se bousculaient autour d'elle. Bouchra aurait voulu ce moment intime. Elle voulait encore fois se recueillir avec sa famille sur la tombe de son papa. Au final, elle a éclaté en sanglots avant de suivre sa maman qui quittait les lieux. Nonobstant, des citoyens continuaient à arriver en masse au village de Taka. Des politiciens locaux se sont mêlés à eux. Des responsables, des cadres ou de simples militants de son parti, le Front des Forces Socialistes (FFS), ont tenu également de marquer l'événement. «Aït Ahmed est parti, mais ce n'est pas le moment de pleurer», lance un de ces militants. «Nous devons poursuivre son combat. Celui pour une Algérie libre et démocratique», ajoute un autre militant, la photo d'Ait Ahmed entre les mains. Saïda, qui habite pas loin du village, a accouru lorsqu'elle a su que c'était aujourd'hui (vendredi Ndlr) que la commémoration avait lieu. «Je ne voulais rater ça pour rien au monde», nous dit-elle. 12h tapantes sous un soleil de plomb, alors que les gens continuaient de descendre à pied vers le hameau, la famille a invité les présents à rejoindre la petite école du village pour un déjeuner à la mémoire de Hocine Ait Ahmed. De nos envoyées spéciales à Taka Nath Yahia Thanina Benamer & Samira Hadj Amar