A Larbaâ Nath Irathen, anciennement Fort national, tout le monde est fier du géant que fut Abane Ramdane dont une stèle trône au centre-ville. Ce monument historique - au propre et au figuré - n'est pourtant pas le seul à avoir écrit les plus belles pages de l'histoire de la région et plus généralement de l'Algérie combattante, même si son aura et son engagement restent inégalés. Qui ne connaît pas, en effet, Si Mohand Ouvelaid Hocine aux Ath Irathen et au-delà ? Des générations de Ath Irathen sont bercées par les récits épiques et héroïques de ce moudjahid courageux et de ses compagnons qui prirent les armes contre l'armée française. Une épopée que ce grand maquisard vient de retracer avec force détails dans un livre-mémoire qui se lit comme un roman à rebondissements. A seulement 20 ans, ce jeune homme installé dans le nord de la France (Lille) pour gagner sa vie, s'est décidé à rentrer au village en 1955 avec la ferme résolution de s'engager aux côtés du premier noyau de maquisards. Il faut dire que les quelques mois passés à Lille lui permirent de «goûter» aux brimades et autres remarques désobligeantes des français mais aussi des Messalistes. Après avoir ramassé un peu d'argent auprès des émigrés, Si Mohand Ouvelaid rentre au pays, bien résolu et le cœur empli de rancœurs à l'égard de l'ordre colonial. Et c'est dans son village des Ath Frah que ce révolutionnaire en herbe apprend les rudiments de la lutte armée et la propagande politique au profit du FLN sous la conduite des Benouar Mehena dit Si Tarik, son premier chef de groupe. Son livre Itinéraire d'un combattant de Larbaa Nath Irathène, Si Mohand Oubelaid Hocine, s'apparente à un long procès-verbal qui resitue avec fidélité les péripéties de la lutte armée dans sa région mais aussi dans toute la haute Kabylie. Un livre pour l'histoire Loin d'être un récit fantastique qui exalte les exploits personnels comme l'ont fait de nombreux moudjahidine, et qui confine au narcissisme, le livre de Si Mohand Oubelaïd nous livre des histoires et des événements dont il fut témoin à l'état cru. Tout au long des 363 pages, le lecteur est sublimé par ces hommes, ces femmes, ces villages et les montagnes auxquels notre maquisard a redonné vie. Tout comme ces noms de guerre, «Mohand Amectuch», «Japon», Si Nacer, «Vrirouche», «Moustache», «Si Idir», Si Tarik qui rafraîchissent les mémorables récits qui se racontent dans les chaumières des Ath Irathen. Certes Si Mohand Oubelaïd est le personnage central de son récit ; mais il s'est bien gardé de se présenter comme un acteur principal des faits. Krim, Amirouche, Si Idir… Ceci bien que son courage et son intrépidité, du reste largement connus dans sa région, y soient bien soulignés. Mohand Oubelaïd est assurément un authentique moudjahid que confirme par des mots simples et sans fard son témoignage qui se veut être un hommage à tous les maquisards des Ath Irathen, qu'il s'est fait un devoir de citer nommément et de restituer les hauts faits d'armes. Il n'hésite pas non plus à mettre des mots sur des maux en vouant aux gémonies publiques les «traitres», les goumiers et autres collaborateurs de sa région qui ont préféré servir le colonisateur, quitte à couvrir de déshonneur leur tribus. Aux côtés des zaims de la région sous les ordres de qui il a servi, comme Hemki Idir, Metrek Ahcene, Khouas Ahcene, Djouadi Abderrahmane, Mohand Oubelaid décrit ses rencontres avec les grand noms de la wilaya III tels que le «lion des Jbels» Krim Belkcacem, le colonel Amirouche, Mohand Oulhadj et Mohamedi Saïd et Saïd Yazouréne. Chose inédite aussi, l'auteur rend un vibrant hommage aux femmes de la région sans lesquelles la révolution n'aurait jamais réussi d'après lui. Au final, Si Mohand ou Belaïd offre aux lecteurs un album photo d'une vingtaine de pages où il montre les visages de ces héros des Ath Irathen dont il est l'un des rares survivants. Un témoignage poignant et décapant d'un homme dont l'engagement s'est conjugué au passé glorieux de la révolution et à celui compliqué de la lutte contre le terrorisme. Eh oui, ce maquisard qui porte le fusil en bandoulière a repris les armes en 1993 pour aller chasser du «sanglier» sur ces terres qu'il connaît si bien.