Paru aux éditions El Kalima, l'ouvrage La villa Susini, tortures en Algérie d'Henri Pouillot est un magnifique témoignage d'un appelé qui évoque avec beaucoup d'émotion et de culpabilité son service militaire dix mois durant à la villa Susini. Ce récit pathétique et poignant relate la période de juin 1961 à mars 1962, soit dix mois d'enfer pour le jeune appelé qui était considéré comme un élément subversif. En effet, en raison d'une manifestation contre la guerre d'Algérie, il se voit affecter dans ce lieu sinistre qu'est la Villa Sésini, devenue Susini. Cette appellation à elle seule fait froid dans le dos. Durant son séjour forcé de dix mois, l'auteur est confronté à la torture, notamment les sévices corporels, viols, gégène, etc. Dans ce contexte, il se sent mal pas à sa place, déchiré par l'horreur et rongé par la culpabilité. Tout au long de cette narration poignante, Henri Pouillot évoque chaque moment passé dans cette villa, centre de tortures. Pour l'auteur, «des témoignages comme le mien sont nécessaires, indispensables pour les jeunes générations. La jeunesse doit connaître l'ampleur des monstruosités qui ont été commises pendant cette guerre. Il est nécessaire que ce devoir de mémoire permette une réflexion devant éviter le renouvellement de tels actes. La perception de la connaissance de cette institution de la torture, des exactions diverses qui sont des crimes contre l'humanité, et pas seulement des crimes de guerre, sera une prise de conscience nécessaire pour éviter un renouvellement de telles pratiques. Comme les appelés d'Algérie qui ont tant souffert, je ne peux pas accepter que mes petits-enfants, arrière- petits-enfants puissent revivre un jour un tel enfer. Je voudrais aussi que mon expérience puisse aider les jeunes à réfléchir sur certains dangers qui peuvent les menacer, de façon pernicieuse parce que latente». Devoir de mémoire Ces propos émouvants et clairvoyants se déclinent dans le refus de toutes guerres, de toutes violences. Pouillot abhorre la torture et l'injustice. Quarante ans après, il revoit en cauchemar ces scènes qui l'ont marqué à jamais, des traces indélébiles qui sont gravées pour toujours dans sa mémoire. L'intérêt de ce livre est d'avoir osé dénoncer la guerre et la torture en Algérie alors que l'on parlait dans la presse de «maintien de l'ordre» et de «missions de pacification». C'est suite à la projection du film d'André Gazut La vie du général Bollardière que l'auteur a pris conscience de son silence. Il dénonce également le fait d'avoir été un tortionnaire malgré lui durant son service militaire. Il en assume la responsabilité ainsi qu'il l'impute au commandement de l'armée française qui les y obligeait. A travers plusieurs chapitres dont 40 ans de silence, un aperçu des pratiques de tortures, Quant à son attitude face à la torture et au traumatisme qu'entraînent les séances de tortures, il met à l'index la responsabilité de l'armée française qui flouait ses jeunes appelés. Dans de nombreux passages, Henri Pouillot, raille le pays des droits de l'homme, qui prône la liberté, l'égalité et la justice alors que la torture sévit en toute impunité. Crimes contre l'humanité D'une écriture fluide, cet ouvrage se lit aisément. Ecrit avec spontanéité, il retrace les péripéties, les doutes, les peurs et les remords de ce jeune appelé. Dans le dernier chapitre, l'auteur exhorte à la réconciliation, l'entente et la concorde. «Je souhaite ardemment que les Algériens qui ont souffert très profondément dans leur chair se retrouvent avec les Français qui ont également beaucoup souffert psychologiquement, souvent aussi dans leur chair, pour mener ensemble ce même combat de condamnation de la torture, de tous les crimes contre l'humanité commis au nom de la raison d'Etat, au nom de la France», dit-il. C'est un livre à faire lire aux jeunes générations afin que nul n'oublie l'horreur de la guerre. Intéressant, pathétique, il devrait servir de livre de chevet à tout «ultra illuminé».