Dans sa tentative de récolter un maximum de capitaux en ces temps de crise, le gouvernement lance coup sur coup les formules de charme dans le but de séduire d'éventuels épargnants en faisant au passage un clin d'œil aux barrons de l'informel les invitant à entrer dans les rangs et se conformer à la légalité. Le recours à l'endettement extérieur est une option reportée pour le moment pour laisser place à l'emprunt national de la croissance économique (ENCE). En effet, la chute des prix du pétrole qui a entraîné le gel d'un bon nombre de projets d'infrastructures publiques a poussé le gouvernement à chercher d'autres alternatives afin de mobiliser des ressources en faveur de l'investissement et de la croissance économique. Pour ce faire, le Premier ministre Abdelmalek Sellal avait annoncé, en février dernier, l'emprunt obligataire comme une priorité, avant de passer, si besoin est, à l'endettement extérieur. Pour mettre en application la déclaration du chef de l'exécutif, le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa a organisé hier au siège de ministère une conférence de presse pour annoncer le lancement de l'emprunt national de la croissance économique, lequel prendra effet à partir du 17 du mois en cours. Ainsi, toute personne intéressée, soit «tout le monde sans exception, que ce soit pour les particuliers, entreprises publiques ou privées» est invitée à «investir son épargne disponible dans le développement de l'économie nationale», a expliqué le premier argentier du pays. Il précise que «les obligations émises dans ce cadre génèrent des profits corrélés au rendement des projets économiques à financer». Pour inciter les personnes à souscrire à cet emprunt, Benkhalfa a voulu donner des garanties comme quoi l'objectif de cet emprunt était de financer les projets économiques des investissements publics et qu'il ne s'agissait nullement de financer les dépenses de l'Etat. «La mission du service public (santé, éducation, formation...) restera à la charge de l'Etat qui va continuer à la financer avec ses ressources définitives : fiscalité pétrolières, fiscalité ordinaire et dividendes de ses entreprises». S'étalant sur les détails de cet emprunt, le ministre a indiqué qu'il n'était pas plafonné et qu'il était ouvert sur une période de six mois, expliquant que toutes les agences bancaires, postales, les trésoreries principales, centrales et de wilayas, ainsi que les succursales de la Banque d'Algérie seront disponibles dès le 17 avril pour recevoir les souscripteurs désirant acquérir ces titres. «Tous les moyens de paiement sont acceptés, car l'objectif est de collecter l'épargne de tout genre», a encore précisé Benkhalfa. Ces titres sont présentés en deux formats de 50 000 dinars chacun et que les souscripteurs peuvent acquérir autant qu'ils veulent d'une manière nominative. Les deux sont des titres à un taux fixe, l'un à un 5% pour une échéance de 3 ans alors que le second est d'un taux de 5,75% pour une période de 5 ans. Avec ces taux, les rémunérations seront de l'ordre de 2500 dinars/an pour le premier et de 2857 dinars pour le second. L'argent passera par le tamis «Ces bons sont échangeables sur les marchés financiers qu'ils soient porteurs ou nominatifs», a indiqué le ministre. Seuls les porteurs ou nominatif peuvent restituer ces bons à leurs échéances», a-t-il ajouté. S'agissant des grands porteurs, qui désirent acheter des montants importants, le ministre a souligné qu'ils se verront délivrer des récépissés «codifiés et sécurisés». Si ces titres sont librement négociables et pourront être achetés ou cédés à des personnes physiques ou morales, les souscripteurs ne pourront cependant demander le remboursement par anticipation «qu'après écoulement de la moitié de la durée globale du titre et après avis du directeur général du Trésor». Interrogé sur le risque que certains placements pourraient découler des fonds de la contrebande et du crime organisé, le ministre a répondu que les banques sont bien outillées et disposent chacune des moyens de vérifier la provenance des capitaux. «Les banques disposent de tamis pour filtrer l'argent», a rassuré Benkhalfa dans un discours imagé. Tout en évitant de parler d'échec concernant l'opération de «conformité fiscale volontaire» lancée l'été dernier pour tenter de récolter l'argent de l'informel, le ministre des Finances a affirmé que cette opération se poursuit toujours et qu'elle est indépendante de celle qui sera lancée incessamment. Si l'amnistie fiscale lancée en direction des détenteurs des commerces informels et de l'argent dont l'origine est douteuse, rien ne garantit que l'emprunt obligataire ne connaîtra pas le même sort, diront les mauvaises langues.