Il devient le premier joueur africain à remporter un trophée et fait honneur à l'équipe d'Algérie. L'international algérien Riyad Mahrez a été élu dimanche soir meilleur joueur de la saison en Premier League par l'Association des footballeurs professionnels (PFA). C'est une juste et belle récompense pour le talentueux Mahrez, qui a crevé l'écran avec l'étonnante formation de Leicester, bien partie pour remporter le titre de champion d'Angleterre pour la première fois de l'histoire. Buteur dimanche après-midi face à Swansea, le n°7 de la sélection algérienne est le meilleur passeur (11 passes décisives) et second meilleur buteur (17 buts) de Leicester jusque-là, pour sa seconde saison en Premier League. Inconnu au bataillon avant son arrivée en Angleterre en janvier 2014 pour jouer en seconde division avec Leicester qu'il a aidé à accéder en Premier League, Mahrez est devenu une star planétaire convoitée par les meilleurs clubs du monde, à savoir le FC Barcelone, le Real Madrid, Arsenal, Chelsea et autres. Il est le premier joueur africain à décrocher cette distinction en Angleterre où il figure aussi dans l'équipe type de la saison, dévoilée plus tôt dans la semaine. C'est un joueur atypique que personne n'attendait à ce niveau, étant donné qu'il n'est pas passé par un centre de formation en Hexagone. C'est dans son quartier, à Sarcelles dans la banlieue parisienne, qu'il a appris à manier le ballon rond et il ne cache pas sa fierté d'être un joueur de la rue. Un footballeur de la rue ! «Je suis un footballeur de la rue. Chaque jour, je jouais dans la rue et ce, jusqu'à l'âge de 19 ans. C'est pour cette raison que je suis d'ailleurs maigre. Je sautais les diners et ma mère me laissait un peu de nourriture dans le micro-onde. Parfois, je jouais jusqu'à minuit ou une heure du matin. On avait une technique pour ouvrir la salle de gym et on faisait de grands tournois la nuit. Les gens me disaient tu dois dormir pour éviter des blessures, mais j'aimais jouer au foot. Dans la rue quand vous avez le ballon, vous êtes libre. Je continue à jouer comme si j'étais dans la rue», a-t-il raconté dernièrement sur Sky Sports. Très doué techniquement, il a eu du mal à se frayer un chemin dans les clubs français, à cause de son gabarit, jugé trop frêle. Il a réussi à renverser le destin par la force de sa volonté, lui qui tenait à réaliser son rêve et celui de son défunt père. Le rêve de devenir footballeur professionnel «C'est difficile de perdre un parent, surtout son papa. Mon père était toujours derrière moi. C'était son rêve et le mien bien évidemment de devenir footballeur», a révélé Mahrez, devenu tôt orphelin, lui qui est né d'un père algérien et d'une mère marocaine le 21 février 1991. Il a débuté sa carrière à l'AAS Sarcelles à l'âge de 13 ans et il va y rester jusqu'à ses 18 ans. En 2009, il a rejoint Quimper KFC après avoir subi des tests concluants. Un premier salaire entre 750 et 800 euros A Quimper, il avait comme partenaire et copain de chambre un certain Mathias Pogba, frère jumeau du Stéphanois Florentin et aîné de Paul, la vedette de la Juventus. Il percevait alors entre 750 et 800 euros net par mois. «Mathias Pogba est arrivé sur recommandation (en provenance du Celta Vigo, ndlr), mais ils se sont tout de suite bien entendus avec Riyad. On les a mis en coloc tous les deux dans un appart du centre de Quimper dont le club payait le loyer. Ils touchaient entre 750 et 800 euros net par mois chacun. Ah c'était le minimum ! En contrat fédéral, que Riyad a décroché à l'issue d'une pré-saison où il s'est vraiment arraché. Niveau travail athlétique, on partait de zéro avec lui. Le moindre contact avec un adversaire, il sautait. Aucune résistance à la charge», se remémore, sur So Foot, Mickaël Pellen, l'un de ses premiers entraîneurs. Actuel coach des U19 du Stade brestois, Mickaël Pellen était à l'époque l'adjoint de l'entraîneur en chef de Quimper, Ronan Salaün. Mahrez a été le seul joueur retenu parmi ceux qui ont été mis à l'essai. «On sentait qu'il y avait un truc chez lui. Attention, ce n'était pas du clé en main ! On savait qu'il allait y avoir beaucoup de boulot pour qu'il ait le niveau, surtout physiquement. Il faisait quoi ? Pffff, 60kg tout mouillé… C'était un joueur de rue, qui avait appris le football dans son quartier. C'était à la fois un avantage et un inconvénient. Avantage, car c'était un excellent dribbleur, à l'aise des deux pieds, déjà très bon sur coups de pied arrêtés. Inconvénient, car niveau culture foot, il n'y connaissait rien», se souvient Pellen. «C'était un super gamin, très rigolo. C'était notre petit Jamel, il disait toujours qu'il allait jouer un jour au Barça et le monde rigolait. Il venait tellement de nulle part, on ne pouvait pas imaginer… Mais voilà, c'était aussi un jeune très à l'écoute des consignes, conscient de ses manques, bosseur, déterminé. Il y a une part de réussite dans son parcours actuel, mais il mérite ce qui lui arrive», ajoute Pellen, qui ne blâme pas les grands clubs français d'avoir loupé Mahrez. «Mais faut comprendre qu'une telle trajectoire est impossible à prédire, impossible ! Qu'aucun club pro ne se soit intéressé à son profil quand il était ado, ça me semble normal. Il est tellement atypique», précise l'ancien entraîneur adjoint de Quimper. Façonné au Havre En juin 2010, Mahrez a rejoint Le Havre qui a osé l'enrôler contrairement à l'O Marseille et au PSG qui le surveillaient alors. Au Havre où il a été façonné, Mahrez a commencé avec la réserve, en CFA, où il a marqué la bagatelle de 24 buts en deux saisons. Il avait comme entraîneur, Johann Louvel, fils du président Jean-Pierre et directeur du centre de formation. «Là où il avait un manque, où il avait besoin de passer le cap, c'est sur le côté rigueur et exigence, se souvient ce dernier, qui reste en contact avec Riyad. On l'a bousculé là-dessus pour qu'il ne tombe pas dans la facilité», a indiqué Johann Louvel sur RMC. Après avoir signé un contrat de trois ans début 2011 avec le HAC, il a effectué ses grands débuts en Ligue 2 le 29 juillet sous les ordres de Cédric Daury. Peu utilisé, car jugé trop frêle physiquement pour affronter la rudesse de la Ligue 2 française, il attendra la saison 2012-2013 et le départ de Ryan Mendes à Lille et l'arrivée d'Erick Mombaerts pour avoir un peu plus de temps de jeu. Avant son départ à Leicester en janvier 2014, il a signé 10 buts et 10 passes décisives en L2. Acheté au Havre pour 450 000 euros seulement, Mahrez a contribué à l'accession de Leicester en Premier League et a tapé dans l'œil de l'ancien driver de la sélection algérienne, Vahid Halilhodzic, qui l'a retenu pour le Mondial 2014. Après une première saison d'apprentissage en première division anglaise, il a pris une autre dimension cette saison au même titre que son club, bien parti pour remporter le titre. Mieux que Giggs et Scholes Mahrez a réalisé jusque-là des performances impressionnantes et exceptionnelles. Il a signé 17 buts et 11 passes décisives. Il a réussi l'exploit d'être le premier joueur à atteindre les deux chiffres dans le nombre des buts et des passes décisives cette saison en Premier League. Il a aussi l'honneur de rejoindre le club restreint des joueurs qui ont marqué 16 buts ou plus une saison sans évoluer au poste d'attaquant. Seuls Cristiano Ronaldo, Gareth Bale, Frank Lampard, Steven Gerrard, Yaya Touré et Andrei Kanchelskis ont réussi cet exploit, selon le site anglais Fourfourtwo. Il a fait mieux que les anciennes stars de Manchester United, Ryan Giggs et Paul Scholes, qui n'ont jamais atteint la barre de 16 buts en une saison. Le Barça, son ultime rêve Ses prestations XXL ont fait grimper en flèche sa cote. Sa valeur marchande est multipliée par 90 aujourd'hui où il affole les plus grosses écuries européennes. Son rêve le plus fou est de porter le maillot du FC Barcelone. C'est son ultime rêve, après avoir réalisé ses deux premiers rêves d'enfance, celui de devenir un joueur professionnel et celui de jouer une coupe du monde. «Mahrez a toujours dit qu'il jouerait un jour pour le Barça», a révélé sur RTL.fr Gilbert Macrez, président de la section foot à 11 du Quimper Kerfeunteun FC, premier club du n°7 des Verts. Finira-t-il par atteindre ce rêve de porter les couleurs du FC Barcelone ? Rien n'est impossible. Mahrez est sur la voie royale. Il a déjà mis l'Angleterre à ses pieds en attendant d'autres exploits dans la suite de sa carrière, lui qui a bouclé en février dernier ses 25 ans.