La violence a pris pied en Algérie. C'est le constat du rapporteur spécial des Nations unies, Dainius Puras, dans son rapport sur le droit à la santé. «La violence est tolérée dans une large mesure», a-t-il indiqué lors une conférence de presse à Alger. Au terme d'une visite officielle de deux semaines en Algérie, le représentant de l'ONU a dressé un rapport accablant sur le volet sanitaire. Dans une partie de son rapport titré «La violence comme question transversale pour le droit à la santé», il a clairement affirmé que l'Algérie a hérité d'une tolérance envers certaines formes de violence. Un état de fait qu'il lie aux raisons historiques. «Durant les années 1990, le pays a connu des troubles sociaux et une décennie de violence extrême.» Pendant cette période, le pays a fait face à la violence des groupes armés, ce qui a, selon le rapporteur, «causé un traumatisme profond au sein de la population». Il fera remarquer que ces violences sont commises contre certains groupes et franges de la population. Les châtiments corporels, y compris contre les enfants, restent légaux dans la famille, les structures d'accueil et les établissements pénitentiaires. Les femmes maltraitées, y compris par leurs maris, ne reçoivent pas toujours une protection des services adéquats et sont socialement «stigmatisées». Bien qu'il estime que les mesures législatives récentes sont à «saluer», telles que celles concernant la protection des enfants (loi 15-12 de 2012), et la protection des femmes contre la violence (amendements au code pénal, 2016), il n'en demeure pas moins, selon lui, que depuis son arrivée, le 27 avril 2016, ces violences n'ont pas encore été abordées de manière «adéquate» à différents niveaux. Dainius Puras relève à ce propos la nécessité de mettre en place des allocations budgétaires, des services et des protocoles appropriés. «Des efforts concertés soutenus par les autorités et toutes les parties prenantes sont nécessaires», dit-il, et d'encourager les autorités à continuer à travailler sur les campagnes intersectorielles pour «mettre un terme à la violence dans le pays». En outre, une lutte contre la violence qui se fera, ajoute-t-il, avec des investissements dans les services de soutien modernes pour les enfants, les femmes, les familles et les jeunes, ainsi que par le biais de la sensibilisation du grand public. «Aucune forme de violence -même ‘légère'- ne devrait être tolérée, et les victimes doivent être protégées et non blâmées», déclare le rapporteur de l'ONU. Si, explique-t-il, il s'est attardé sur la question de la violence, c'est non seulement dû à sa présence dans la société algérienne, mais c'est aussi, dit-il, pour rappeler l'importance de lutter contre ce fléau pour «assurer la pleine jouissance du droit à la santé». Farouk Ksentini désapprouve le rapport de l'ONU : «Le rapporteur s'est trompé de pays» L'envoyé spécial des Nations unies sur le droit à la santé avait clairement dénoncé la tolérance de l'Algérie à l'égard d'une certaine forme de violence dans une partie de son rapport. Un constat que désapprouve totalement Maître Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme. Contacté, l'avocat contredit d'emblée le rapport de l'onusien. Il dira que «le rapporteur doit revoir sa copie, car l'Algérie a, à chaque fois, condamné toute forme de violence», répond-il. Et d'ajouter : «La loi protège le citoyen contre la violence.» Il citera pour exemple la loi incriminant les violences contre les femmes. Il estime que l'Algérie «a fait beaucoup d'efforts en dépit des années de terrorisme». Pour Ksentini, l'envoyé de l'ONU «s'est trompé de pays».