La coopération entre le régime marocain et l'Etat hébreu, notamment ses services de renseignements, ne cesse de se révéler au grand jour. De nouveaux éléments de cette relation, qui remonte à de longues années, viennent d'être rendus publics grâce aux témoignages d'un ancien agent du Mossad. «L'Etat hébreu a aidé l'agence marocaine de renseignement à mettre en place son unité de gardes du corps des personnalités et d'autres encore, y compris l'établissement d'une division technologiquement sophistiquée. En retour, les Marocains ont fourni à Israël des renseignements de qualité, y compris l'accès secret aux délibérations de la conférence du Sommet arabe à Casablanca en septembre 1965», rapporte le site israélien I-24, citant le livre que vient de publier Yossi Alpher. Ce dernier, jeune officier du renseignement militaire au milieu des années 1960, raconte dans «Périphérie : Israël en quête d'alliés au Moyen-Orient» comment le Maroc a été utilisé dans la stratégie secrète élaboré par le Mossad pour anéantir l'anneau arabe hostile qui cernait Israël. «Nasser parlait régulièrement de son désir de jeter les Juifs à la mer. Le Mossad recherchait donc des alliés pour faire face à ce souhait et être capable de dire : nous ne sommes pas seuls», explique Alpher. Tous les détails de cette opération, autorisés pour la première fois, à la publication dans ledit livre, renseignent bien de la gravité de l'implication du makhzen sous le règne du roi Hassan II avec Israël. En 2015 déjà, le chef du Mossad à cette époque (1963-1968), Meir Amit, avait témoigné sur une opération menée par le contre-espionnage israélien au Maroc et qui consistait à mettre sur écoute la session de la Ligue arabe. En effet, Hassan II était initialement prêt à réserver aux agents du Mossad tout un pavillon de l'hôtel où devait se dérouler le sommet des chefs d'Etat arabes afin de suivre de très près leurs interventions, mais surtout celles des chefs des armées. À la dernière minute, le roi craignant que des membres des délégations arabes puissent reconnaître la véritable identité de Meir Amit, dans les couloirs de l'hôtel casablancais, avait changé d'avis. Malgré ce revirement, la partie israélienne a eu quand même accès à tous les documents et aux précieux enregistrements des interventions des militaires arabes. Ceux-ci avaient permis aux responsables de Tel-Aviv de jauger de la capacité des armées des pays de la Ligue à livrer bataille contre l'armée israélienne. En juin 1967, Israël sortait victorieuse de sa rapide guerre contre l'Egypte et la Syrie, occupant le Sinaï, le Golan, Ghaza et El Qods. Près de douze ans plus tard, poursuit Alpher dans son livre, le Maroc a servi de relais pour organiser la visite historique du président égyptien Anouar Sadate à Jérusalem, avec la médiation du roi marocain Hassan. «Une réunion entre le roi et le chef du Mossad Yitzhak Hofi a conduit à une autre réunion royale, cette fois avec le Premier ministre Yitzhak Rabin, qui est arrivé au Maroc incognito sous une perruque blonde», se souvient-il. Toutes ces révélations s'ajoutent à celles ayant trait à l'implication du Mossad dans l'assassinat de l'opposant marocain Mehdi Ben Barka, en octobre 1965. Pour services rendus par le roi, le contre-espionnage israélien s'est engagé à suivre les déplacements de Ben Barka en Europe. Et c'est le bureau du Mossad à Paris qui avait permis, d'une part, de piéger l'opposant marocain avec le projet de film historique et, d'autre part, faciliter aux agents des services secrets marocains l'entrée en France avec de faux passeports.