Un journaliste israélien dévoile, dans un ouvrage, l'étroitesse des relations entre le Maroc et l'Etat hébreu et l'alliance entre les deux pays contre l'Algérie, notamment lors de “la guerre des sables” en 1963, à travers l'entraînement d'officiers marocains et un soutien multiforme apporté par Tel-Aviv. Le Lien marocain est le titre d'un livre préfacé par un ancien chef du Mossad, le service d'espionnage israélien, Ephraïm Halévy, et publié en hébreu par les éditions Matar, qui révèle les liens étroits entre Israël et le Maroc. Mais ce qui intéresse le plus les Algériens, c'est la partie dans laquelle il est fait état d'une alliance maroco-israélienne en 1963 après le déclenchement de la “guerre des sables” entre le Maroc et l'Algérie. L'auteur de l'œuvre rapporte que le chef du Mossad de l'époque, Meir Amit, doté d'un faux passeport, a rencontré à Marrakech le roi Hassan II pour lui déclarer : “Nous pouvons, et nous voulons vous aider.” Sans le moindre scrupule, le souverain alaouite a accepté l'offre israélienne. Ainsi des instructeurs de l'armée israélienne ont ensuite entraîné des officiers marocains, formé des aviateurs au pilotage de Mig-17 soviétiques, organisé ses services secrets, surveillé la construction de la barrière entre le Maroc et l'Algérie, vendu des armes, y compris des chars AMX-13 français via Téhéran, et équipé des embarcations de pêche avec des radars pour les transformer en gardes-côtes. Voilà en gros ce qu'a fait Israël pour le Maroc pour lui permettre de prendre le meilleur sur l'Algérie, en vain. En effet, en dépit de tout ce soutien, la monarchie chérifienne n'a pas réussi à atteindre ses desseins. Il faut dire qu'à travers cette aide, Israël s'est bien implanté dans le royaume au point d'exploiter cette présence, par le moyen de l'espionnage, pour découvrir les faiblesses des armées arabes. Selon le journaliste écrivain israélien, le Mossad a réussi à suivre le sommet arabe de Casablanca en 1965 et a ainsi découvert l'impréparation des armées arabes bien avant la guerre de juin 1967, ce qui explique son écrasante victoire traduite par l'annexion de tous les territoires palestiniens ainsi que le Sinaï égyptien et le Golan syrien. Une place importante est accordée dans cette œuvre aux pourparlers du Mossad avec le roi Hassan II, qui ont préludé à la rencontre secrète au Maroc du ministre israélien des Affaires étrangères Moshé Dayan avec le vice-Premier ministre égyptien Hassan El-Toami, puis au voyage historique du président égyptien Anouar Sadate à Jérusalem en 1977. Par ailleurs, Shmouel Seguev dévoile les détails de l'assassinat de l'opposant marocain Mehdi Ben Barka en 1965 à Paris, par Ahmed Dlimi, le numéro deux de la police secrète marocaine, puis enterré dans la capitale, près d'une autoroute. “Le 29 octobre 1965, Ben Barka est arrivé à Paris en provenance de Genève, avec un passeport diplomatique algérien. Il a déposé ses valises chez son ami Jo Ohanna, un Juif marocain, et s'est rendu à pied à la brasserie Lipp pour y rencontrer un journaliste français, quand deux policiers français en civil l'ont interpellé et conduit dans une voiture de location jusqu'à une villa au sud de Paris”, raconte le journaliste. Avec force détails, l'auteur affirme : “Nous savons avec certitude que Ben Barka était encore en vie le 1er novembre (...) Le général Dlimi ne voulait pas le tuer, mais lui faire avouer son intention de renverser le roi Hassan II.” Avant d'ajouter : “Ben Barka avait les chevilles entravées et les mains nouées dans le dos, et Dlimi lui a plongé la tête dans un bac rempli d'eau. À un moment donné, il a pressé trop fort sur ses jugulaires, l'étranglant ainsi à mort.” Il poursuit en indiquant que “le ministre marocain de l'Intérieur, le général Mohammed Oufkir, chef de la police secrète, est ensuite arrivé à Paris pour organiser l'enterrement, qui s'est déroulé à Paris, quelques jours après le décès, sur une aire en construction, où il y avait du béton et du ciment, aux abords de l'autoroute du sud”. Selon Seguev, le Mossad a ainsi indirectement permis aux services secrets marocains de repérer l'opposant socialiste, puis de le piéger. Il déclare que “Ben Barka, qui voyageait beaucoup à travers le monde, se servait d'un kiosque à journaux à Genève comme d'une boîte postale où il venait récupérer son courrier, et le Mossad a donné cette information à Dlimi”. D'autres révélations sont rapportées par ce livre, selon lesquelles Ben Barka aurait rencontré en 1960 un haut responsable du Mossad pour lui demander — en vain — une aide financière et en armes afin de renverser le régime chérifien, et que David Ben Gourion, le fondateur d'Israël, en a averti le souverain marocain. K. ABDELKAMEL