Béjaïa, en dépit des apparences qui font d'elle une destination locale parmi les plus prisées, demeure cependant boudée. C'est ce que donnent à penser en tout cas les propos qui frisent parfois le verdict de certains voyagistes. Il faut dire que le jugement, au regard de l'état léthargique de la ville la veille du grand rush estival, n'est pas du tout sévère. Plages croulant sous des tas d'immondices, espaces côtiers squattés par une nuée de «gardiens», prix d'hébergement dépassant l'entendement, manque flagrant d'hygiène… sont le lot de «surprises» auquel sont confrontés déjà les premiers touristes en provenance de l'intérieur du pays. Tout cela fait que beaucoup de touristes algériens se tournent vers l'étranger. Ni la crise ni la dégradation de la situation sécuritaire dans des pays comme la Tunisie, la Turquie ou bien l'Egypte ne semblent peser dans le choix des Algériens. «Quand vous proposez à 89 000 DA à un touriste local un séjour de 8 jours et 7 nuits en pension complète dans un hôtel cinq étoiles avec en sus une nuit dans l'inénarrable Sharm El Cheikh, station balnéaire des plus appréciées sur la mer Rouge, et un gala nocturne au Caire, croyez-vous qu'il pensera à chercher une destination locale ? Non, évidemment. Il ne réfléchira même pas, parce que pour le même prix, c'est juste s'il peut passer 3 jours dans un hôtel de classe très moyenne partout sur le territoire national avec tous les aléas du séjour dans un hôtel.» Celui qui s'exprime ainsi est le propriétaire de Anissa Tour, une agence de voyages ayant pignon sur rue et une expérience très appréciable. Ce voyagiste, qui gère depuis dix ans un centre de vacances du côté de Souk El Tenine, sait de quoi il parle. «Il vaut mieux ne pas faire étalage du charme de Bougie parce que la ville n'a même pas les capacités d'hébergement nécessaires pour faire face à un rush conséquent de touristes», assène notre interlocuteur. Il est vrai que le projet de développement touristique à long terme est de mettre 100 000 lits sur le marché comme promis par le ministère en 2014 mais tout ça reste au stade des promesses. Jusqu'à présent, la capacité d'accueil des structures d'hébergement ne dépasse pas les 3000 places. Le son de cloche n'est pas du tout différent du côté de l'agence de voyages et de tourisme. Bakouri Karima, la gérante, se répand dans le même constat : «Les Algériens préfèrent de loin la Tunisie à la destination locale.» Pour plusieurs motifs, entre autres, tranquillité, rapport qualité-prix, propreté, confort… sont autant de facteurs qui déterminent le choix des touristes algériens. La destination Tunisie est très prospère pour les voyagistes compte tenu de la demande croissante «même en période hivernale», précise la propriétaire de Ziguade Tour. Certaines agences proposent des destinations des plus exotiques comme la Malaisie, Cuba ou le Brésil. «Il est vrai que c'est relativement cher comparativement aux classiques directions du touriste algérien, mais il y a une demande tout de même appréciable en termes de rentabilité», estime cet agent commercial d'une agence implantée dans le quartier Seghir. Et contrairement à ce que l'on pourrait déduire, ce sont plutôt des couples issus de la classe moyenne qui sont demandeurs. «Les familles aisées préfèrent la discrétion et ne passent pas par les agences de voyages pour se rendre à Paris, Londres ou les States», ironise notre interlocuteur.