Un artiste s'en va, un sourire s'éteint. Djilou est allé courtiser les muses de l'autre côté. C'est d'une autre voix que la chanson kabyle sera encore orpheline. Djilou, de son vrai Mohand Sadallah, s'est éteint des suites d'une longue maladie au CHU de Tizi Ouzou en cette nuit de lundi à mardi. Djilou est parti trop tôt, 54 ans, laissant un vide dans le monde artistique qui l'a bercé. Né en 1962 au village Traihant, village natal de sa mère, dans la commune de Boudjima, Djilou a grandi dans un espace où l'art était tout simplement l'expression de l'esthétique dans toute sa dimension. C'est avec l'assistance de son oncle maternel qu'il a appris à gratter une guitare à l'ombre du rocher Azru Imeyazen (le rocher des penseurs), et deux autres chanteurs, qui ont aussi porté l'identité artistique locale, Haret Meziane et Amar Hamou, qu'il s'est perfectionné. Je chante, je chante… Car, c'est ma façon de vivre avec toi Je cherche dans mes souvenirs Pour connaître tes secrets De mon rêve, j'ai écrit un poème Qui me renvoie l'histoire de ma propre vie Ce sont là quelques vers d'un texte chanté par Djilou, un texte fuyant sa version maternelle pour aller se briser dans les abîmes des frontières linguistiques. Djilou est un artiste qui a tiré son nom du feu. Par un voyage vers l'enfance, il est allé revisiter les sentiers battus d'autrefois, une sorte de digression confuse. De même que lorsque enfant, il jouait aux Djiloulou pour empêcher le feu de s'éteindre. Djilou ou Djiloulou était un jeu que l'on pratiquait autrefois autour du feu pendant les nuits hivernales. Il consistait à tenir dans la main un tison retiré du feu et d'un mouvement circulaire, on dessinait des figures illusoires. Il aimait dire que le feu pour lui représentait la dualité et son idée (celle du feu) est très répandue dans la mythologie grecque. L'un des deux albums que Djilou avait édités porte un titre tragique Jeunesse sans enfance. Quand on lui demandait pourquoi il riait souvent, il répondait : «Il y a du salutaire dans la dérision, des fois je me moque des faiblesses.» Il sera enterré aujourd'hui, mercredi, en son village natal Agouni Oufekous. Adieu l'ami. Repose en paix.