Le 27e Sommet de la Ligue arabe s'est ouvert et achevé hier comme il a commencé ; sans tambour ni trompette. Une fois de plus (une fois de trop), les Arabes se sont entendus pour ne pas s'entendre. Seule une poignée de chefs d'Etat, d'émirs, de sultans ont fait le déplacement à Nouakchott. Le président Ould Abdelaziz, dont le pays accueille pour la première fois une rencontre de haut niveau, a dû se contenter des émirs du Qatar, du Koweït, des présidents du Yémen, du Soudan, des Comores, de Djibouti et de l'Autorité palestinienne pour assurer le décor d'un sommet sans fard et d'une ligue qui a lâché depuis longtemps. Et pour cause, les «cadors» de la Oumma ont préféré zapper un rendez-vous pourtant très attendu, évoquant des «problèmes de santé» pour certains, des «agendas chargés» pour d'autres. Le roi Salmane, d'Arabie saoudite, son homologue Abdallah, de Jordanie, et son petit frère du Maroc, Mohammed VI, sont restés dans leur palais. C'est ce qui a dû motiver le «raïs» d'Egypte, Abdelfattah Al Sissi, qui a lui aussi brillé par son absence, alors que son pays est réputé être le dépositaire de la «qawmia» et le cœur palpitant du monde arabe. C'est leur désir de ne pas se déranger dans une enceinte où l'on parle assez souvent pour ne rien dire. Ou dire sans rien faire après. Même le Liban, englué dans sa crise politique, et la Libye, ouverte aux quatre vents, se sont fait représenter par leurs Premiers ministres. Que dire alors de ce Sommet de la Ligue arabe qui n'en est pas un, et qui plus est, placé sous le slogan de «l'espoir» ? Pas grand-chose, sinon que la Mauritanie a eu son heure de gloire sur la scène arabe en palliant la défection du Maroc, qui devait abriter ce sommet en mars, au prétexte que les conditions de son succès n'étaient pas réunies. Mais, question à un dirham : la ligue a-t-elle réuni un jour les conditions d'une organisation régionale forte et ambitieuse devant jouer un rôle stratégique ne serait-ce qu'au niveau de sa sphère ? Que pouvait-on raisonnablement attendre d'un avatar de l'empire britannique, peuplé de royaumes despotiques, d'émirats autoritaires et de républiques héréditaires dont le seul rôle est d'exécuter les ordres des anciennes puissances coloniales, suivant des recompositions géopolitiques au Proche-Orient et dans le Golfe ? Il est risible de noter que le Sommet de Nouakchott soit consacré aux crises qui secouent le monde arabe, alors que les inspirateurs directs ou indirects de ces mêmes crises sont absents ! Comment discuter de la situation en Syrie, quand l'Arabie saoudite, qui arme et finance, avec le Qatar, les groupes terroristes contre le régime d'Al-Assad, n'est pas là ? Comment examiner le conflit du Yémen quand le roi Salmane et ses alliés du «Machrek» et du Maghreb qui bombarde, depuis plus d'une année, ce pays sont absents à la table ? Par quelle magie peut-on régler les problèmes de la Libye, de la Somalie, du Liban et de l'Irak quand les faiseurs des décisions au sein de l'auguste assemblée ne sont pas là ? Le fait est que même la cause palestinienne, censée être le thème centrale de tous les sommets, n'attire plus grand monde. La question, hélas, ne se pose plus et ne mobilise point. Netanyahou, qui a noué de solides amitiés avec des «frères» arabes, dont il a même reçu de l'argent pour financer sa campagne électorale, le sait très bien. Il peut «bouffer» à l'envi ce qui reste de la Palestine et tuer autant d'innocents qu'il souhaite, sans risquer un laconique communiqué d'indignation d'une ligue qui ne tient plus… L'organisation panarabe, âgée de 71 ans (créée le 22 mars 1945), est assurément trop vieille. Aussi vieille que la majorité des dirigeants qui la composent pour qui, être dans les bonnes grâces des puissants pour sauvegarder leurs trônes est plus important que de faire cause commune avec les «frères». D'où la question qui coule de source : que fait encore notre pays, auréolé d'une merveilleuse Révolution, dans un cénacle inutile, un corps mort «La hawla wala qouata lah» ? Par quelque bout que l'on prend cette ligue, on constate que les positions de l'Algérie ne cadrent pas avec celles de la majorité des pays, notamment ceux du Golfe. Qu'il s'agisse de la fameuse coalition islamique contre le terrorisme, de l'alliance contre le Yémen, du conflit en Syrie, de la Libye et de l'attitude vis-à-vis de l'Iran, et évidemment de la Palestine, la clairvoyance et la sagesse algériennes sont exceptionnelles. Mais peut-on espérer être écoutés quand on prêche dans le désert ? Quittons donc cette maison de l'épouvante.