Il y a des employés indélicats qui volent leurs patrons et s'évaporent dans la nature, celui-là a beaucoup d'affection pour la restitution des choses qui ne lui appartiennent pas. Et ici, la justice s'en mêle et de quelle manière ! Il s'empare de cent quarante-cinq millions de centimes appartenant à son patron. Après quelques heures, il fait «choux-blanc» et restitue le produit du vol auquel il n'a jamais touché, craignant les effets négatifs et dévastateurs de la générosité de celui qui l'avait employé quelque temps auparavant. Le patron retire sa plainte mais trop tard : l'action publique est déclenchée. C'est Selma Bedri, la rugueuse juge d'El Harrach, qui est chargée du dossier en compagnie de ce non moins redoutable Youssef Boussaâd, l'avocat de Khaïder B., qui s'en prendra d'ailleurs vivement au mini-réquisitoire car, dira-t-il : «La partie civile s'est désistée. Où est donc le préjudice ? L'argent est dans la poche du propriétaire qui avait perdu le sommeil lorsqu'il avait appris l'incarcération de Khaïdar lequel, tenté par le diable, avait eu le beau réflexe de maudire Satan et de revenir sur le droit chemin du repentir, s'était exclamé l'avocat qui avait fait sourire la juge qui a vite répliqué : «Le parquet est libre de requérir dans les limites de la loi et le tribunal est encore plus libre de décider ce qu'il y a lieu de faire», le tout craché avec un très beau sourire. «Et vous, inculpé ! Que vous a-t-il pris ? Vous volez votre bienfaiteur. Vous cachez soigneusement la somme quelque temps avant de rouvrir les yeux et de la restituer en regrettant votre geste, sauf que la victime n'a pas, mais alors pas du tout apprécié !» La présidente avait pris le large dans ses interventions, plutôt heureuse d'avoir en face une victime qui a récupéré son bien. Tout est bien qui finit bien. Mais restait une question en suspens. Comment se fait-il que des patrons laissent tant de dinars en «liberté-surveillée» dans leur bureau ? Eh bien, si la question est en suspens, la réponse est, elle, dans le subconscient des voleurs. Rares sont les patrons qui ont leurs biens dans les banques. Et c'est là où demeurent les maux de la société qui veulent que la quadrature du cercle se situe dans cette peur illégitime de mettre son fric dans des coffres sûrs et... assurés. Reste le cas des deux ans fermes assortis du sursis qui devraient pousser les éventuels voleurs à s'y prendre à deux fois avant de s'engager dans de périlleuses entreprises sans issue, ou plutôt si, une seule issue : la prison.