Le président du Conseil présidentiel du gouvernement d'entente nationale de Libye, Faïz El Serraj, effectue, depuis hier, une visite officielle de deux jours en Algérie. En proie à une véritable crise qui n'en finit plus d'enfoncer ce pays dans le chaos, Faïz El Serraj vient en Algérie pour s'assurer le soutien d'un acteur incontournable dans la région. Acculé ces derniers mois par une opposition farouche du général Khalifa Haftar qui ne cache plus ses ambitions politiques en Libye, avec un soutien déclaré de l'Egypte et de l'Occident, Faïz El Serraj risque de voir, en effet, voler en éclats les petits succès péniblement arrachés par le gouvernement d'union nationale, soutenu par l'Onu. La montée en puissance du général Khalifa Haftar, qui s'est imposé à l'est de la Libye, semble entraver sérieusement le retour de la paix, en dépit des appels incessants de la communauté internationale. Le rival direct de Faïz El Serraj ne veut rien entendre et s'entête à refuser toute idée de reconnaître le gouvernement de Serraj. Que peut Alger face à une situation aussi complexe qu'inextricable ? Serraj qui abordera au cours de son séjour l'évolution de la situation et les efforts en cours, entrepris dans le cadre du règlement politique de la crise en Libye, sait qu'il peut compter sur le soutien d'Alger qui a de tout temps appelé à des solutions politiques aux conflits qui minent ce pays. Mais jusqu'où l'Algérie peut-elle préserver cette posture dans une région crisogène ? Pour Djallil Lounnas, enseignant chercheur en relations internationales, l'Algérie évolue dans un environnement extrêmement complexe mais demeure un acteur incontournable et fiable dans tout processus de paix. «Dans l'échiquier nord-africain et vis-à-vis de la Libye deux Etats comptent : l'Algérie et l'Egypte. L'Egypte soutient clairement Haftar alors que l'Algérie est a contrario foncièrement opposée à ce dernier. Elle n'en n'a jamais fait mystère. A ce titre, la récente montée en puissance de Haftar, qui est même allé jusqu'à demander des armes à la Russie, ne peut qu'amener Serraj à se rapprocher davantage d'Alger, d'autant que le processus dans lequel celui-ci est engagé correspond plus ou moins aux vues d'Alger», nous a-t-il expliqué. La complexité qui caractérise la question libyenne est, selon lui, décuplée par la présence de deux autres acteurs qui sont la France et les Etats-Unis, dont les objectifs sont inavoués. «La France et les Etats-Unis jouent un rôle important sur le terrain. Haftar est leur homme fort. L'on comprend alors que Serraj vient chercher l'appui d'Alger et recherche son influence», affirme encore notre interlocuteur qui soutient que l'Algérie a tout intérêt à s'impliquer davantage dans cette voie. «Il faut savoir que pour Alger, il s'agit également de faire le point sur la situation à ses frontières. La situation semble être délicate sur ce plan précis. Les interceptions de rebelles libyens et d'armes de guerre le long des frontières inquiètent au plus haut niveau. Alger veut des garanties. Il s'agit de savoir si le gouvernement libyen est en mesure d'assurer le contrôle des frontières et faire le point sur la poussée de l'Etat islamique, même si le gouvernement d'union nationale semble avoir marqué des points sur ce plan, notamment à Syrte», soutient-il encore. Il n'est un secret pour personne que l'Algérie a des atouts à faire valoir. «Serraj peut compter sur l'Algérie qui possède ses réseaux de soutien et qui peut apporter une aide militaire (fourniture d'armes, formation, partage d'informations) en plus d'un appui diplomatique plus franc pour renforcer la position de Serraj», estime Djallil Lounnas.