Tourisme responsable et solidaire, une chance pour la Kabylie ? Telle est l'importante question qui nécessite une réponse urgente et des mesures efficaces à même de booster le développement de la région. Pas des recommandations que l'on range dans un tiroir. C'est à l'hémicycle Rabah-Aïssat de l'Assemblée populaire de la wilaya de Tizi Ouzou qu'a été organisé, avant-hier, un séminaire autour du projet Codesol ou ‘'codéveloppement solidaire'', sous le thème ‘'Sauvegarde du patrimoine artisanal, promotion du tourisme solidaire et dynamique locale d'économie sociale et solidaire'', avec la participation des principaux acteurs, notamment des représentants de porteurs du projet, de l'association Touiza Solidarité, l'Association de développement local solidaire (Adles), Touiza Solidarité Ile-de-France, de la direction du tourisme locale, du ministère du tourisme et de l'artisanat et du ministère de la culture et de la Chambre de l'artisanat et des métiers. Dans son intervention très attendue, M. Mohammed Khandriche est revenu sur les objectifs principaux de ce projet qui vise à valoriser les savoir-faire artisanaux de la région ou comment développer les opportunités de création d'activités artisanales génératrices de revenus, renforcer les compétences et la coordination des organismes de solidarité internationale issues des migrations en mobilisant les compétences des personnes issues de l'émigration, plus particulièrement en Ile-de-France, ceci dans une démarche de co-développement durable et solidaire. La parole sera donnée ensuite à M. Jean-Marie Collombon, consultant et expert en tourisme solidaire qui s'est étalé sur les questions de savoir «en quoi le tourisme solidaire peut-il être profitable pour le territoire et ses populations, quels sont les freins et opportunités du développement du tourisme solidaire ?» L'orateur a dès lors exposé trois cas de tourisme, qui ont, à leur façon, été d'un apport positif dans le meilleur des cas, et dévastateur dans le pire des cas, en deux cas illustratifs. Le premier étant celui de l'oasis de Tozeur en Tunisie, et le deuxième celui de l'oasis berbère de Siwa en Egypte, à travers des extraits de films documentaires. M. Collombon s'étalera sur l'importance des revenus générés par le tourisme à travers le monde, où l'on compte 1.5 milliard de touristes sur une population mondiale de plus de 7 milliards de personnes. «Le tourisme enregistre un taux de croissance estimé à 5% par an, alors que 30% des recettes mondiales proviennent des pays du Bassin méditerranéen». L'orateur s'est également étalé sur les objectifs du tourisme solidaire, qui est un vecteur de développement local et qui contribue à lutter contre la pauvreté, à valoriser le patrimoine naturel et culturel des régions, tout en préservant les coutumes et les traditions des habitants. Ainsi, l'assistance a eu droit à la projection d'extraits d'un film documentaire sur le tourisme que l'orateur appellera ‘'dévastateur'' " dans l'oasis de Tozeur en Tunisie, qui jadis comptait 24 établissements hôteliers, dont il n'en subsiste aujourd'hui que trois, qui ont utilisé à outrance les ressources d'eau de l'oasis, en plus du terrain de golf destiné à une clientèle riche qui, d'ailleurs, a fini par donner le coup de grâce à cette oasis qui a perdu également sa vocation agricole. Implication des quatre ‘R' L'assistance a également eu droit à des extraits d'un autre film documentaire sur l'Oasis berbère de Siwa en Egypte qui a réussi le tourisme solidaire et fait de lui une source de revenus considérables dans cette oasis qui a gardé son aspect traditionnel, et où les maisons, et même un établissement hôtelier de 5 étoiles, ont été réalisés, à l'aide d'une ancienne technique de construction, le kersheef, un mélange de boue et de sel. Par ailleurs, M. Collombon est revenu sur l'exemple de la France, premier pays touristique au monde qui enregistre 75 millions de touristes par an. Ce dernier ne manquera pas de signaler qu'en France, le tourisme est l'affaire de tous. Le pays ne dispose d'ailleurs même pas de ministère de tourisme, «parce que le tourisme de territoire implique l'ensemble des acteurs locaux», dira-t-il. Et d'ajouter : «Le tourisme solidaire implique quatre R : Redistribution équitable (où va l'argent), Responsabilité partagée, Respect des traditions et de l'environnement et Rencontres». De fil en aiguille, l'orateur présentera le cas de la pêche traditionnelle et du tourisme, où le pêcheur peut prendre des touristes à bord de son bateau. «Cette expérience a été initiée en Italie, où le pêcheur dont le métier procure des revenus faibles, prend des touristes à bord de son bateau. Cette pratique permet non seulement de générer des ressources mais également de préserver l'environnement, parce que les pêcheurs ne pêchent plus à outrance». M. Collombon citera également des réseaux de structures à l'exemple de ‘'Bienvenue à la ferme'' et de déplacements de groupes d'élèves d'un pays à un autre, comme le cas des élèves de Hong Kong reçus en France. Ce dernier avance plusieurs conditions pour l'édification d'un esprit de tourisme solidaire, notamment l'implication des acteurs locaux et la mise à la disposition des touristes de structures d'accueil diversifiées, à l'exemple des gîtes de groupes, d'hôtellerie familiale, de villages de vacances et autres. Aussi, il est utile de signaler que ce séminaire a été marqué par plusieurs interventions, dont celle de Melle Haddid Yamina, représentante de la direction du tourisme et de l'artisanat de la wilaya. Cette dernière s'est étalée sur les problèmes auxquels font face les artisans, notamment le manque et la cherté de la matière première, de circuits de commercialisation des produits de l'artisanat et le manque de stagiaires. Quant à M. Achir, professeur à l'université Mouloud-Mammeri, il est revenu sur la situation du tourisme dans la wilaya. Avant d'entrer dans le vif de sujet et de donner un état des lieux du tourisme au niveau de la wilaya, l'orateur soulignera le retard enregistré par notre pays dans le secteur du tourisme en comparaison avec les pays voisins. Ainsi, il notera que les revenus du tourisme représentent 1.5% du PIB en Algérie, alors qu'ils représentent 7 à 8% du PIB au Maroc et 8% en Tunisie, en ajoutant que ce secteur emploie 350 000 personnes en Algérie, 1.9 million au Maroc et 13% de la population active en Tunisie. Formation et suivi Le séminaire a été l'occasion d'apprendre que dans la région de Boghni, une trentaine d'artisans ont été formés dans le développement d'activités économiques et d'entrepreneuriat, dans la gestion des entreprises, comme ils ont soutenu les femmes à développer leur entreprise. Quatre sessions de formation dans le tissage et la vannerie ont déjà été assurées. Ils ont également identifié 444 femmes artisanes et 88 hommes dont 30 porteurs (ses) de projet ont été déjà formés, alors que 10 autres ont bénéficié de financement et d'accompagnement. Ils ont reçu des crédits bonifiés de 350 000 DA remboursables sur une période de deux années. Ce séminaire a également été marqué par un défilé de mode de création des ateliers de Razika Doufene, qui a émerveillé l'assistance. A l'occasion, trois ateliers ont été initiés. Le premier s'est intéressé à comment mettre en place un environnement favorable au tourisme, la question de savoir si l'artisanat traditionnel peut être davantage promu et commercialisé, animé par Mme Sadia Tabti, alors que le troisième a porté sur les actions à mettre en place pour favoriser les liens entre les activités touristiques et artisanales, animé par M. Khandriche. Le Codesol est un projet pilote qui s'étendra de 2015 à 2017. Il est le plus grand projet financé par l'UE dans le domaine du tourisme au niveau du Bassin méditerranéen pour un montant de 24 millions d'euros avec la participation de l'Algérie, de l'ordre de 2.5 millions d'euros. Il touche douze wilayas dont Alger, Béjaïa, Chlef, M'sila, Skikda, Annaba et enfin Tizi Ouzou, qui en est bénéficiaire par extension car n'étant pas dans la liste des douze wilayas concernées.