Pas question de prendre le risque de jouer avec le feu. Pour préserver la paix sociale, le gouvernement va jusqu'à abdiquer devant les propriétaires de constructions non conformes et inachevées. Le Premier ministre a décidé de suspendre l'application des dispositions de la loi 08-15 du 20 juillet 2015 portant mise en conformité des constructions et leur achèvement. Abdelmalek Sellal, à contrecourant du discours menaçant qu'entretenait jusque-là son ministre de l'Habitat, de l'urbanisme et de la ville, prend en considération «la conjoncture caractérisée par des difficultés sociales». Dans une note datant du 6 novembre 2016, adressée aux ministres de l'Intérieur, de l'Habitat et de la Justice ainsi qu'aux walis, il explique que «l'expiration du délai accordé en vertu de la loi 08-15, le 3 août dernier, a exposé un grand nombre de citoyens à des sanctions». La non mise en conformité de certaines constructions a donc engendré, cite Sellal, «la suspension des activités commerciales», ajouté «à la privation de familles entières vivant de la location de ces bâtisses d'entrées» et «aux craintes des propriétaires d'être exposés à des amendes». «Vu cette situation qui s'accentue dans une conjoncture marquée par des difficultés sociales, il a été décidé de suspendre l'application des dispositions de la loi 08-15 jusqu'à nouvel ordre», lit-on dans le document dont nous détenons une copie. Comprendre que le gouvernement qui se trouve acculé en ces temps d'austérité ne veut prendre aucun risque à même de pousser les gens protester. Pour rappel, les sanctions prévues dans la loi en question pouvaient aller jusqu'à la démolition de la construction non conforme. Des démarches, si elles venaient à être appliquées, risqueraient d'engendrer des mécontentements, voire des résistances et accrochages avec les forces de l'ordre. Un casse-tête que le pouvoir veut coûte que coûte éviter, dans un contexte difficile sur tous les plans, économique, social et politique. Ainsi, pour préserver la paix sociale, les façades mal finies, les piliers à l'air et les chantiers qui s'éternisent ‘'sont tolérés'' par voie officielle ! Toutes ces anomalies et dérives urbanistiques qui agressent nos villes ont donc de beaux jours devant elles. Le Premier ministre a instruit, à travers sa note, le ministre de l'Habitant, Abdelmadjid Tebboune, de présenter cette décision comme étant «l'ultime prolongement du délai» pour les propriétaires concernés par l'achèvement de leurs constructions. Les notaires, quant à eux, sont tenus après cette décision «de ne pas réclamer un certificat de mise en conformité pour le renouvellement des contrats de location», est-il encore précisé. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, Tebboune affirmait sur un ton ferme qu'il n'y aura pas de prorogation des délais, fixés alors au 3 août 2016. «Quelles que soient les conséquences, l'Etat ne reviendra pas sur sa décision de sanctionner les contrevenants car cela relève de son autorité», avait déclaré le ministre de l'habitat sur le plateau de la télévision publique. Hélas, il semblerait que cette «autorité» de l'Etat est facilement réduite quand il s'agit de préserver la paix sociale.