Un important colloque international sur Pierre Bourdieu et la société kabyle a été organisé ces deux derniers jours au niveau de l'hémicycle Aïssat Rabah de l'Assemblée populaire de wilaya de Tizi Ouzou. Initiative de l'APW en partenariat avec le Laboratoire des langues et cultures étrangères de l'Université Mouloud Mammeri et l'Association Le défi d'Irdjen, cette manifestation scientifique de deux jours avait pour objectif de convoquer l'œuvre et la mémoire du monument de la sociologie que fut Pierre Bourdieu, décédé en 2002 et qui a pu internationaliser le vécu quotidien des Kabyles à travers le monde entier. En effet, cette manifestation scientifique a non seulement regroupé des chercheurs et académiciens de l'université Mouloud Mammeri, mais aussi des professeurs algériens de l'université Paris VIII-Saint Denis, qui sont revenus sur la sociologie de Bourdieu et sa vision de plusieurs questions, en l'occurrence le rôle de l'école républicaine sur la domination culturelle en Algérie, plus particulièrement en Kabylie. Ils ont rendu également un vibrant hommage à ce sociologue et chercheur, qui a toujours été solidaire avec l'Algérie, notamment durant la tragédie de la décennie noire où il a affiché son attachement indéfectible à notre pays. « Il a toujours été aux côtés des Algériens. N'a t-il pas déclaré dans l'un de ses ouvrages que l'Algérie est sa seconde patrie», témoigne le chroniqueur et écrivain Arezki Metref. Pour Akli Rezzik, le représentant du laboratoire de recherche de l'Ummto, ce colloque s'inscrit dans le cadre des activités scientifiques de son institution. Le conférencier a indiqué que «Pierre Bourdieu n'était pas pour la Kabylie, ni contre la Kabylie, mais il a travaillé en Kabylie et il a fait ses recherches dans cette région. Ses travaux constituent la toile de fond pour la mise en place d'une théorie philosophique qui s'appelle l'abitus». A travers ses ouvrages, la Kabylie a servi de socle idéologique et de gisement d'idées pour le monde. Pierre Bourdieu a internationalisé le vécu kabyle. Il a travaillé sur la sociologie, l'ethnologie, l'anthropologie de la société kabyle. D'après lui, cet écrivain a emprunté des principes de constitution de la société kabyle pour en parler à l'universel. Lors de son intervention, Nadia Gada, maître de conférences au niveau du département d'anglais à l'université Mouloud Mammeri (Ummto), a fait une lecture de comparaison de la pensée de Pierre Bourdieu avec le texte de Mouloud Feraoun. A ce sujet, elle dira que les œuvres de Feraoun ont constitué un des supports ayant permis de comprendre certains concepts théoriques, ainsi que les mécanismes de domination masculine à l'égard de la femme kabyle et interprétés par Bourdieu. En complémentarité avec Feraoun Les travaux de Bourdieu durant les années 1950 et 1960 sur la vie quotidienne des Kabyles et leurs traditions ne sont qu'une complémentarité du contenu des récits de l'écrivain Mouloud Feraoun, notamment dans son œuvre La terre et le sang, dira la conférencière, citant quelques ouvrages interprétés par Bourdieu et qui ont fait de lui, le sociologue le plus lu et traduit dans le monde anglophone. A titre d'exemple, Le capital social du symbolique, Le code de l'honneur et La stratégie de domination et leur reproduction, dans lequel l'écrivain a pris la Kabylie pour montrer la domination masculine à l'égard du dominé féminin. Omar Belkhir, professeur au département de psychologie à l'Ummto a décrypté dans sa courte présentation la vision de Bourdieu sur le rôle de l'école républicaine et la prolifération de la domination culturelle en Kabylie. Se référant aux ouvrages de l'auteur, Belkhir a affirmé que ce chercheur a toujours considéré l'école non pas comme un lieu de savoir en Algérie, mais plutôt un endroit qui incite les Kabyles à une domination culturelle autour de leurs idées, leurs traditions et leurs coutumes.