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Ali Benflis, président du parti Talaie El Houriyet : «L'opposition n'a pas à rougir de son bilan »
Publié dans Le Temps d'Algérie le 11130

Ali Benflis décortique ici les questions d'actualité et les examine avec diligence. Les dossiers politiques, économiques, sociaux et diplomatiques de l'heure ont été passés en revue, mais surtout abordés sans langue de bois. Opposant politique, le président de Talaie El Houriyet revient également sur les échecs répétés et les occasions manquées de l'Algérie. Echecs qui, selon lui, ont été engendrés par un pouvoir qui demeure encore otage des archaïsmes politiques. Entretien.
Les élections législatives approchent. Talaie El-Houriyet n'a pas encore tranché sur sa participation. Comment votre parti se prépare-t-il pour ce rendez-vous électoral ?
Notre parti est actuellement engagé dans un processus de préparation de sa position à l'égard des prochaines échéances électorales. Nous avons convenu que cette position sera déterminée par l'instance compétente du parti, en l'occurrence son comité central, après une large consultation des représentations locales. La consultation des représentations locales est en cours, elle s'achèvera à la fin de ce mois. A sa réunion du mois de décembre prochain, le bureau politique du parti procédera à une évaluation de ces consultations. Ce processus sera parachevé par la réunion du comité central, le 7 janvier 2017, à laquelle il appartiendra d'arrêter la position du parti quant aux élections à venir. Sur le fond, notre parti, de sa base à sa direction, ne nourrit pas beaucoup d'illusions sur les prochaines échéances électorales. Et si quelques illusions pouvaient subsister quelque part, les deux lois organiques portant sur le régime électoral et l'instance de surveillance des élections- qui ressemblent en tout point à leurs devancières-, viennent confirmer le caractère frauduleux des élections à venir, c'est-à-dire des élections qui porteront une fois de plus le sceau infamant de la tricherie et de la fraude.
L'Icso, dont votre parti est membre, semble avoir atteint ses limites. Comment évaluez-vous votre parcours au sein de cette instance ? A quoi, selon vous, est dû l'échec de l'Icso à fédérer l'opposition et proposer une véritable feuille de route ?
Le premier mérite de l'Icso est d'exister et de tenir bon en dépit des assauts ininterrompus qu'elle subit de la part du régime politique en place. Son second mérite réside dans son rassemblement autour de la revendication d'une transition démocratique consensuelle, ordonnée et apaisée. Et que sont les plateformes de Mazafran I et II, sinon de véritables feuilles de route ? Ce n'est pas parce que le régime politique en place a refusé d'entendre parler de ces plateformes que cela les disqualifie ou diminue de leur valeur politique.
L'opposition n'a pas à rougir de son bilan. Elle a fait le diagnostic sans complaisance de la crise de régime à laquelle notre pays est confronté.
Elle a posé et pose toujours avec insistance la problématique de la légitimité de toutes nos institutions, sans laquelle il n'existe pas d'Etat de droit. Elle tient à jour l'inventaire des faillites politiques, économiques et sociales du pouvoir en place. Elle revendique sans relâche une transition démocratique comme voie de sortie de l'archaïsme politique qui est à l'origine des retards, des reculs et des échecs que notre pays accumule. Pour une opposition qui agit dans le carcan bien sévère que lui impose notre système politique, ce bilan n'est ni mince ni indigne d'intérêt.
La plupart des partis politiques constituant cette instance a opté pour la participation aux élections législatives. Pourtant, l'Icso a de tout temps posé comme préalable l'institution d'une instance indépendante de l'organisation et de la supervision des élections. N'est-ce pas là une incohérence politique ?
C'est vrai. Dans le contexte plus large de sa revendication d'une transition démocratique, l'Icso a réclamé la mise en place d'une instance indépendante et souveraine à laquelle serait confiée l'intégralité des missions de préparation, d'organisation et de contrôle des élections. Le régime politique en place a cru devoir ne pas en tenir compte. Il a fait le choix de garder le monopole sur les conditions dans lesquelles les élections devraient se tenir, des règles qui doivent les encadrer et des résultats qui doivent les sanctionner.
Ce faisant, il a donné un nouveau souffle à la tricherie politique et à la fraude électorale. Nous avons convenu au sein de l'Icso qu'il revient à chaque parti de se déterminer souverainement face à cette situation. Je comprends parfaitement cette décision parce que l'Icso n'est pas et n'a jamais été une alliance électorale pour dicter leurs choix électoraux à ceux qui la composent. L'Icso est un rassemblement politique autour d'une revendication stratégique qui a pour nom la transition démocratique.
Les partis qui ont annoncé leur participation ont-ils, selon vous, reçu des garanties ? On ne peut pas participer à une élection tout en sachant que celle-ci sera de toute façon truquée. Ce serait, sinon, cautionner la fraude…
Vous évoquez des garanties que certains auraient reçues en contrepartie de leur présence aux prochaines échéances électorales. Si vous faites allusion à des garanties sur la sincérité des scrutins à venir, je vous rassure, nous n'en avons reçu aucune ; et si vous faites allusion à des garanties quant aux quotas de sièges que le pouvoir en place s'apprête à allouer, je vous rassure aussi, nous n'en avons pas été destinataires. Mais parlons plus sérieusement. Le régime politique en place a eu trois grandes occasions en or pour donner ces garanties. Il a eu l'occasion de la révision constitutionnelle qu'il aurait pu saisir pour y inclure une instance de gestion des élections qui mériterait la «hauteur» et «l'indépendance» qu'on lui prête. Il a eu l'occasion de la loi organique sur le régime électoral qu'il s'est limité à traiter à la mesure de ses clientèles politiques. Il a eu enfin l'occasion de la loi organique sur l'instance de surveillance des élections dont il s'est astreint à faire une institution aux ordres. Il nous faut bien réaliser que notre système politique vit de la fraude électorale et ne survit que grâce à elle.
L'opposition semble devant une panne historique. Les partis politiques ont beaucoup perdu de leur influence. Leur ancrage dans la société se limite à quelques poches ici et là. Comment entrevoyez-vous l'avenir de la pratique politique en Algérie ? Comment la réinventer ?
Panne historique des partis, leur perte d'influence, leur faible ancrage dans la société... Tout cela n'est que jugements de valeur. Pour reprendre le langage des statisticiens, où sont les analyses qualitatives et quantitatives qui les étayent ? Où sont les chiffres et les faits qui les confirment ? L'apathie ou le dynamisme de la vie politique nationale manquent cruellement d'instruments de mesure.
Où sont les instituts de sondage qui nous permettraient de nous faire une idée de l'implantation des partis et de leur influence ? Où sont les grands centres d'analyse et de réflexion indépendants qui devraient être à l'écoute des moindres pulsations politiques dans notre société et les porter à notre connaissance ? Où sont les élections honnêtes, sincères et transparentes qui permettraient de savoir qui pèse quoi sur l'échiquier politique national ? Je crois que cette observation méritait d'être faite. Mais au-delà de cette observation, je vous concède que notre système politique n'offre pas le cadre le plus favorable à la pratique politique, loin de là. Seul un système politique sain peut donner lieu à une pratique politique saine. Notre système politique a une vision très manichéenne de cette pratique politique : pour lui, il y a d'un côté des clientèles politiques sur lesquelles il repose et qu'il comble de ses faveurs ; et de l'autre, il y a une opposition qu'il faut réduire à merci. Avouez qu'avec une telle conception, ce système n'offre pas à la pratique un présent enchanteur.
Laissez-moi vous le dire en d'autres termes : si nos compatriotes sont désabusés et qu'ils manifestent une profonde désaffection à l'égard de la politique, ce n'est pas parce que les partis ne font pas leur travail. Lorsqu'un régime politique est convaincu de tenir sans légitimité, sans crédibilité et sans confiance, lorsqu'il fait des élections à l'usage qu'il veut, lorsqu'il décide unilatéralement et autoritairement et lorsqu'il se soucie si peu de ce que la société peut penser, vouloir ou réclamer, il n'y a pas de miracle à attendre. Dans de telles conditions, la pratique politique n'a pas besoin d'être réinventée. Elle trouvera tout naturellement sa vocation et sa raison d'être dans un système politique moderne.
Le MSP, parti le plus en vue de la mouvance islamiste, entretient depuis quelque temps l'idée d'un gouvernement d'union nationale. Serait-il le porte-drapeau de cette mouvance et servirait-il d'alibi démocratique ?
Je n'appartiens pas à ce parti et je n'ai aucune habilitation pour parler en son nom. Par contre, permettez-moi un commentaire sur cette idée d'un gouvernement d'union nationale. Dans le programme que j'ai soumis au peuple algérien à l'occasion de la dernière élection présidentielle, j'ai proposé un plan global de règlement de la crise de régime à laquelle le pays est confronté. Depuis, ce plan a été développé et approfondi et il est devenu l'ossature de la modernisation du système politique national que notre parti revendique. Ce plan envisage la constitution d'un gouvernement d'union nationale.
Dans notre esprit, ce gouvernement devra être l'émanation des forces politiques que des élections honnêtes, sincères et transparentes auront fait émerger. Lorsque l'heure du changement démocratique viendra - et elle viendra inéluctablement - notre pays aura un besoin vital d'un gouvernement d'union nationale pour conduire et veiller aux destinées de ce changement. Ce dernier aura besoin de rassemblement. Et quoi de plus rassembleur qu'un gouvernement d'union nationale qui aurait la légitimité, la représentativité et la crédibilité pour mobiliser notre peuple autour des objectifs de modernisation de notre système politique, de rénovation de notre système économique et de réformes sociales ? Les Etats ont recours aux gouvernements d'union nationale par temps de grande tourmente. C'est un défi de ce genre qui se pose actuellement à notre pays.
Ali Benflis connaît bien la maison FLN. Comment analysez-vous les derniers soubresauts au sein de ce parti et qui ont conduit Saâdani à la porte de sortie ?
Je ne m'autorise aucune ingérence dans les affaires intérieures d'un autre parti. Je n'ai absolument aucun commentaire à faire sur la vie politique interne de ce parti.
L'Algérie aborde en 2017 une année difficile. La crise économique bat son plein et les voyants sont tous au rouge. Que pensez-vous des mesures prises dans le cadre du PLF 2017 ?
D'abord, à propos du projet de loi de finances pour l'année 2017, il y a quelques remarques préliminaires qui s'imposent. L'exposé des motifs de ce projet prétend faussement qu'il s'insère dans le cadre du programme présidentiel quinquennal (2017-2019). Ce programme n'existe absolument pas et c'est une contre-vérité que de s'y référer. Le même exposé des motifs prétend tout aussi faussement que le projet de loi de finances pour l'année 2017 constitue un segment de la trajectoire budgétaire 2017-2019 destinée à accompagner le nouveau modèle de croissance économique. Ce projet est de portée strictement fiscale et l'on n'y trouve pas la moindre trace de mesures significatives destinées à alimenter la dynamique de la croissance économique dans notre pays. Le gouvernement persiste dans son approche purement comptable de la crise économique actuelle. Une telle approche est peut-être nécessaire mais certainement pas suffisante. L'escale fiscale, dans laquelle les pouvoirs publics sont actuellement engagés, a ses limites et elle ne peut indéfiniment différer le recours aux nécessaires réformes structurelles. Le régime politique en place sait tout cela mais il se trouve dans un tel état de déficit de légitimité et de crédibilité qu'il élude soigneusement le recours à ces réformes structurelles qui exigent avant tout un courage et une volonté politiques. Faire perdre le budget d'équipement de moitié et laisser en l'état le budget de fonctionnement est une erreur. Faire supporter le poids de la pression fiscale par les seules couches sociales les plus fragiles et les plus vulnérables est une faute morale autant que politique. Avoir essayé deux échecs consécutifs à travers la mise en conformité fiscale et l'emprunt renseigne sur la perte totale de crédibilité de la gouvernance actuelle et de la défiance flagrante qu'elle suscite.
Que préconisez-vous pour sortir de cette crise ?
Il nous faudra commencer par le commencement et reconnaître que le renouveau économique ne viendra pas de l'archaïsme politique. Je le dis avec toute la force de conviction qui m'est donnée, le régime politique en place et l'état dans lequel il se trouve empêchent la prise en charge effective et résolue de cette crise et, du même coup, compromettent les chances d'un redressement économique et social du pays. Il y a un moment, nous parlions des réformes structurelles à introduire pour corriger les dysfonctionnements de notre système économique. Ces réformes structurelles si indispensables sont connues de tous. Notre gouvernance actuelle les évite soigneusement, non pas par ignorance, mais seulement parce qu'elles sont antinomiques avec tout ce que représente le régime politique en place. Le dépassement de la crise économique actuelle est politique, et aussi longtemps que cette hypothèque politique n'aura pas été levée, il serait illusoire de croire en une sortie de crise qui ne viendra certainement pas des mains des faiseurs d'immobilisme et des gardiens du statu quo. Dès lors que cette hypothèque politique aura été levée, ce qu'il faudra faire vite, eh bien, apparaîtra rapidement un plan global. il faudra dépolitiser l'acte économique, c'est-à-dire bannir son instrumentalisation à des fins clientélistes de pouvoir ; il faudra aussi le débureaucratiser et lui assurer un encadrement juridique stable car il n'y a pas plus décourageant et plus dissuasif pour l'acte économique que l'imprévisibilité et l'incertitude ; il faudra libérer, encourager et stimuler toutes les initiatives, notamment en direction des investisseurs nationaux et étrangers en érigeant en cible prioritaire l'amélioration du climat des affaires dans notre pays ; il faudra faire entrer le marché de l'emploi dans la modernité ; comme il faudra inverser la courbe d'expansion de l'économie informelle qui a déstructuré le système économique national ; il faudra, enfin, doter l'Etat d'une véritable stratégie de lutte contre la corruption dont on ne dira jamais assez tout ce qu'elle coûte au développement économique et social du pays. Au plan des instruments économiques, nous avons besoin de lancer au plus tôt une vaste réforme bancaire tant le système bancaire constitue l'épine dorsale de toute économie digne de ce nom. Nous avons besoin de revoir en profondeur tout notre système fiscal, mais aussi moderniser le budget de l'Etat ; enfin, il nous faudra concevoir autrement les politiques de subventions sans jamais perdre de vue les exigences de solidarité nationale et de justice sociale. Au plan des stratégies économiques, il est plus que nécessaire de doter le pays d'une stratégie industrielle, agricole, énergétique, et d'une stratégie de développement touristique. Comme vous le voyez, les chantiers ne manquent pas et presque tout reste à faire. Cela aurait pu être fait, à moindre coût et plus aisément au temps de la prodigieuse embellie financière qui est passée en nous laissant sur les bras une économie nationale toujours peu performante, peu dynamique et peu compétitive.
La réforme du régime de retraite passe très mal chez nombre de syndicats autonomes. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?
A mon humble avis, la question ne se pose pas dans ces termes-là. En parlant il y a un instant des réformes structurelles à conduire, j'ai évoqué celle relative à l'entrée de notre marché de l'emploi dans la modernité. Marché de l'emploi et régime de retraite sont deux problématiques indissociables. Or, nous continuons chez nous à traiter ces deux problématiques comme elles l'étaient au XIXe siècle. Le monde autour de nous a avancé à une cadence accélérée et ces deux problématiques se posent dans des termes nouveaux. La démarche actuelle des pouvoirs publics me semble pêcher par deux insuffisances majeures à mes yeux. La première tient au fait qu'au sujet du régime des retraites, une vision globale s'impose. Or, les pouvoirs publics ont fait le choix d'approcher ce sujet complexe par deux bouts de la languette : la retraite anticipée et l'âge de la retraite. Le régime de retraite n'est pas réductible à cela. La seconde insuffisance tient à la méthode. En cette affaire, la méthode utilisée est aussi importante que l'objectif recherché. En règle générale, le passage en force n'est jamais bon et il l'est encore moins dans des affaires sociales aussi sensibles. Dans ce genre de dossier, la concertation sociale la plus large est un impératif. Il est grand temps, de ce point de vue, que les pouvoirs publics réalisent que le monopole syndical a vécu. Les syndicats autonomes sont une réalité. Leur existence est bonne pour le pays car elles le munissent de médiations sociales fort utiles. Les pouvoirs publics font comme si ces interlocuteurs n'existaient pas et qu'ils n'avaient aucune espèce d'influence ; ils ont tort. Vous me demandez mon point de vue sur ce sujet. Je vous avoue que j'aurais fait les choses différemment. J'aurais procédé à un diagnostic d'ensemble du régime des retraites sans me focaliser exclusivement sur la retraite anticipée et l'âge de la retraite. Ce régime pose d'autres problèmes aussi sensibles qu'il faut appréhender en tant que tout. Ce diagnostic établi, je l'aurais porté à la connaissance de notre opinion publique et j'aurais fait de mon mieux pour la sensibiliser à la nécessité des réformes à conduire.
J'aurais ensuite organisé une concertation sociale sans exclusive car je crois qu'en matière sociale, le dialogue franc et loyal est toujours préférable aux bras de fer et aux confrontations dont la société finit par assumer les coûts alors qu'ils étaient évitables. J'aurais enfin recherché le consensus social le plus large sur ce sujet.
Vous qui êtes un ancien chef de gouvernement, pensez-vous que la diplomatie algérienne a réellement repris ses lettres de noblesse ces dernières années ?
Je répondrai à votre question par d'autres questions : peut-on raisonnablement penser que la crise de régime qui sévit dans notre pays peut tout affecter : la politique, l'économie et le social en épargnant la diplomatie ? Non, il n'est pas raisonnable de penser cela et il faut bien reconnaître que notre diplomatie subit elle aussi de plein fouet les effets de la crise de régime dont nous sommes témoins. La Constitution du pays confère à l'institution présidentielle - et à elle seule - le soin de déterminer et de conduire la politique étrangère du pays. Cette institution assume-t-elle toujours pleinement cette mission ? Incarne-t-elle toujours l'Etat à l'étranger lorsque l'on sait que la dernière activité présidentielle officielle en dehors du pays remonte à l'année 2011 ? Peut-on toujours parler de diplomatie active lorsque l'on sait que des sommets internationaux se sont tenus sur la Libye et le Mali sans que l'Algérie y soit représentée au niveau requis. Je vous laisse le soin de répondre à ces questions ; quant à moi je sais une chose sur laquelle s'accordent tous les connaisseurs des affaires diplomatiques : les relations internationales contemporaines portent la marque de la «diplomatie des Sommets» et toute absence de cette diplomatie vaut déclassement au pays qui s'y résout.
Pourtant, des dirigeants de grandes puissances et même certains du Golfe reconnaissent aujourd'hui que l'Algérie a vu juste s'agissant des crises au Mali, en Libye, en Syrie et même au Yémen. N'est-ce pas là une preuve que l'approche algérienne basée sur les solutions politiques est en train de gagner de plus en plus de partisans ?
Nous devons avoir des sources d'information différentes. Je n'ai jamais lu ou entendu les dirigeants que vous évoquez reconnaître les mérites d'une approche algérienne de ces conflits, si tant est que celle-ci existe ; ce que je sais, par contre, c'est que nos partenaires étrangers se demandent qui décide en Algérie et qu'ils cherchent un interlocuteur.
En parlant de la nécessité de solutions politiques aux conflits, notre diplomatie n'innove pas et ne réinvente pas la roue. Elle se contente de marteler une évidence. Ceux qui sont engagés militairement au Mali, en Libye, en Syrie et au Yémen savent que l'issue finale de ces conflits sera politique ; ils s'y préparent et n'ont aucun besoin de la diplomatie algérienne pour le leur rappeler. Quelle sera le contenu de cette solution politique ? Comment peser sur elle ? Voilà les vraies questions qui se posent à notre diplomatie. Malheureusement, je ne crois pas qu'elle soit en position d'y répondre dans le contexte de crise de régime que nous vivons.
Quel avenir voyez-vous entre l'Algérie et les Etats-Unis sous la présidence de Donald Trump ?
Il nous faut revenir à une certaine humilité. Les Etats-Unis sont la seule puissance globale. Et qui dit puissance globale dit intérêts globaux. Le nouveau Président américain, comme ses récents prédécesseurs, aura son radar saturé par des dossiers stratégiques globaux qui laissent peu de place aux autres dossiers périphériques. La nouvelle administration américaine a fort à faire : les relations transpacifiques, les relations transatlantiques, les relations trans-américaines, l'Otan, la Chine, la Russie et le Moyen- Orient. Tout cela relativise les rapports algéro-américains.
De ce point de vue, il faut bien reconnaître que l'Algérie n'apparaît sur le radar américain et dans un angle étroit qu'en matière de lutte contre le terrorisme international. Notre politique étrangère a bien imprudemment tout fait pour accoler à notre pays le label d'expertise en antiterrorisme. Nous en payons le prix, car beaucoup d'autres pays ne voient que cela en nous. Et c'est précisément le cas des Etats-Unis. L'enjeu est donc pour nous de nous sortir de ce prisme réducteur.


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