Dans cet entretien, l'artiste peintre, ancien professeur de biologie et poète, Moncef Guita, nous parle de sa peinture et nous embarque dans son univers coloré d'humanisme où la nature est la muse de son art. Le Temps d'Algérie : Vous étiez professeur de biologie. Comment s'est fait votre passage aux arts plastiques ? Moncef Guita : Le dessin, la peinture ou la poésie ont depuis l'adolescence occupé une place importante dans mes activités. Ainsi, parallèlement à mes études classiques, mon temps libre était consacré aux différents arts tels que la littérature, le théâtre… De ce fait, le passage vers les arts plastiques ne s'est pas fait brusquement. Bien au contraire, le peinture se nourrit des autres domaines de l'esprit et vice versa. Je ne peux imaginer un croisement stérile : sciences, histoire, archéologie, ethnographie… sont d'un apport essentiel. Curieux de tout, l'artiste est un creuset où un bouillon de culture permanent ne cesse de se renouveler. Aussi, les domaines d'expression artistique sont multiples et sous-tendus par la nécessité intérieure de «dire». C'est pour cette raison que les moyens et les techniques sont des outils à la portée de tout un chacun, et cela va du crayon à l'ordinateur, en passant par la teinte ocrée de l'argile aux couleurs sophistiquées qui envahissent le marché. J'aimerai vous ajouter qu'avec des moyens rudimentaires, l'homme des cavernes a gravé et peint des scènes qui nous sont parvenues et ce, voilà plus de soixante siècles. En conclusion, l'essentiel réside dans la force d'expression et l'émotion ressentie face à une œuvre. Les murs des cités et des prisons en sont un témoignage poignant (Street art…) Dans votre création artistique, vous misez beaucoup sur des formes et des couleurs, ce qui est évident. Cependant, vous avez une particularité de créer des scènes de fiction. Qu'est-ce qui vous inspire ? Dans sa quête du beau, du vrai, l'artiste dispose d'une gamme infinie de formes et de couleurs qu'il va agencer dans des compositions qui lui sont propres. Il va alors puiser dans son environnement social, naturel les thèmes susceptibles de l'intéresser. La liberté d'entreprendre ne connaît alors aucune limite ; dans cette quête, L'artiste Khadda, à partir du thème «l'olivier» nous a gratifiés d'une œuvre immense, «lisible» tout aussi bien par l'ouvrier, le paysan ou l'intellectuel de haut niveau. Nous avons remarqué que vos œuvres ont des ressemblances, notamment dans le traitement des couleurs avec celles de l'artiste peintre Benanteur. Qu'en pensez-vous ? En visitant des expositions, des musées…, l'œil de l'artiste capte et enregistre en stockant, consciemment ou pas des milliers d'images. Ces enregistrements peuvent ressortir ou non à partir d'une situation donnée. Ce fond constitue la culture picturale. A ce titre, citons P. Valery : «Une œuvre artistique est le résultat d'une forme initiée et d'une forme en puissance propre à l'artiste.» A bien analyser un tableau, on y trouve des formes et des couleurs initiées et cercles, formes géométriques… qui n'appartiennent pas à l'artiste. Un tableau de Kandinsky, Mondrian ou Picasso répond parfaitement à cette conception puisqu'aucun d'eux n'a créé le rouge, le vert ou le cercle ! Leur génie ou talent réside dans l'agencement de toutes ces unités omniprésentes pour en faire un travail à nul autre pareil. Je crois modestement qu'aucun artiste ne peux targuer de créer - le mot est trop fort - Ex-hitulo une œuvre aussi géniale soit-elle. Pour revenir à votre question, j'ai subi durant des années l'influence d'Issiakhem. J'en suis conscient et je le revendique. Maintenant, on peut par moment, trouver quelque parenté avec tel ou tel peinture, en l'occurrence Benanteur, artiste immense qui, malheureusement, est méconnu dans son propre pays. Revenons à P. Valery, il nous a fourni un début de réponse. Qu'est-ce que la science a apporté à votre art ? Les études en biologie sont extrêmement enrichissantes parce qu'on y décortique les phénomènes vitaux les plus intimes qui sont l'observation rigoureuse, les études anatomiques… L'harmonie d'ensemble et de chaque élément n'a pas fini de révéler tous ses secrets. Tout le monde sait maintenant que les designers les plus prestigieux s'inspirent de la faune et de la flore qui sont une source inépuisable ! Une aile d'oiseau recèle un enseignement introuvable dans les meilleurs manuels. Et la poésie ? Poésie, peinture, sculpture… sont à mon avis indissociables, elles représentent une cohérence au-delà de la simple représentation visuelle. On peut y ajouter toutes les autres formes d'expression, essentiellement la musique, qui est définie par un rythme, un tempo, une tessiture portés par une énergie commune aux autres formes artistiques. Elles canalisent par des voies différentes, et apparemment divergentes, les angoisses et les espoirs de l'être humain, des tumultes, son avenir, son enlisement ou son évolution qui, en un mot, définissent la condition humaine. Quels sont vos projets ? C'est de continuer avec ténacité ce périple, oh combien envoûtant qui m'ouvre chaque matin des horizons immenses.