D eux faits saillants ont marqué l'Algérie durant ce week-end : la fin de la première semaine d'une campagne électorale sans relief et la réapparition de la fièvre aphteuse. Les deux sujets ont un lien presque charnel : dans les deux cas, on parle de «b'ggar» (vaches) et de «beggarine» (opportunistes). C'est un peu osé, mais c'est vachement approprié. La fièvre aphteuse qu'on croyait naïvement éradiquée chez nous, revient comme pour faire un pied-de-nez à ce discours ronflant sur la prétendue immunité de notre pays face aux germes venus d'ailleurs. Les «beggarine», c'est le titre peu glorieux que traînent nos députés et toute cette faune de candidats à cette fonction, qui, dans l'inconscient collectif, est assimilée à une retraite dorée. Se faire élire député, c'est obtenir le «privilège» de se la couler douce, cinq années durant. Il est loisible de deviner l'état de la connexion entre la population et ceux qui draguent ses voix. Les Algériens ont dû s'ennuyer à mourir de la «hauteur» intellectuelle des discours des candidats à l'APN. Ça volait trop bas. Sur les panneaux d'affichage, à la télévision, ou en live, dans les quelques rares meetings, les préposés aux harangues ont donné la pleine mesure de leur piètre talent d'orateur. A ce rythme-là et avec ce genre de prestations bas de gamme, il va falloir se préparer à aller chercher de force les électeurs de chez eux le 4 mai prochain. Les partis boycotteurs n'auront même pas besoin de rabattre le moral des Algériens indécis à coup de contre-campagne, puisque les candidats s'en chargent admirablement bien… On sait, d'habitude, que la campagne électorale démarre en mode diesel. Mais, tout de même… Il y a objectivement péril en la demeure en termes de compétence et de maîtrise des dossiers. C'est du Carnaval mais sans la Dechra tant certains chefs de parti prêchaient dans le désert. Ayant sans doute pris le pouls de la base, comme disent les syndicalistes, des leaders de parti ont préféré déambuler dans les ruelles des quartiers et des villes à la recherche de ce peuple qui vote. On les sentait visiblement perdus, mal dans leur peau, bien qu'ils affichent des sourires de circonstance pour les besoins de la caméra. Pas facile en effet de descendre dans cette «Algérie futile» qui redevient subitement utile, par la grâce de ses voix qui portent au palais de tous les désirs. On l'aura vérifié tout au long de cette première semaine de la réclame politique : le fossé s'élargit de plus en plus entre le peuple et ses «élites» politiques bien que ce terme soit impropre à l'usage. Et ce n'est pas un bon signe. Les enjeux économiques, sociaux, sécuritaires, politiques et géopolitiques voudraient que la classe politique - pouvoir et opposition -, soient sur la même longueur d'onde que le peuple qu'ils prétendent représenter. Où sont donc les centaines de milliers d'adhérents dont se gargarisent certains chefs de parti ? De combien de divisions peuvent-ils se réclamer pour étaler leurs forces et leurs capacités supposées de mobilisation ? Force est d'observer que les lieux des meetings étaient clairsemés et les acclamations loin d'être spontanées. Amar Ghoul a beau répéter ses généralités trois fois de suite, elles se perdent dans les travées de la salle. Ou encore Djamel Ould Abbès qui a consacré toute une semaine à tenter de convaincre son auditoire qu'il dispose bien d'un diplôme de médecin et qu'il a été condamné à mort. Pathétique est cette image du patron du FLN exhibant à la foule une copie de sa condamnation à mort alors qu'il était venu les convaincre de voter pour le glorieux sigle… Que dire alors des affiches de campagne qui font déchirer la toile de… rire. Pourquoi sommes-nous tombés aussi bas pour permettre le choix d'un candidat qui s'engage à «ne pas éteindre son téléphone». Quel programme ! Eh oui, au pays des miracles, tous les coups sont permis ! Ces petites perles de campagne peuvent paraître risibles. Mais elles sont surtout nuisibles en ce sens qu'elles lèvent le voile sur la médiocrité ambiante qui gangrène le pays avec un personnel politique de ce niveau. Le pouvoir reçoit ces amuseurs de souk comme un boomerang qui fait craindre le pire quant au sérieux des institutions et la possibilité de rétablir la connexion avec un peuple totalement hors champ. Pour l'instant, hada ma helbet !