Un an après avoir accordé le statut officiel à tamazight, peut-on, aujourd'hui, parler d'une réelle avancée pour cette langue ? Depuis janvier 2016, il n'y a pas eu de changement. La loi organique qui devait ouvrir la voie à l'installation d'une académie qui a été créée par le texte constitutionnel dans son article 4 n'a pas été présentée à l'Assemblée nationale. Nous sommes en train d'en élire une autre. Il faudra maintenant attendre son installation et la réunion des deux chambres du parlement pour qu'il y ait un vote. Il faut qu'il s'exprime à hauteur de deux tiers des membres des deux chambres. Nous devons donc attendre au moins jusqu'à octobre prochain, encore si le pouvoir, bien évidemment, engage la procédure d'adoption de la loi. La loi a été rédigée, à ma connaissance, par un comité d'experts en juin dernier. Aujourd'hui, nous commémorons le 37e anniversaire du printemps berbère. que reste-t-il de cet événement ? Si l'on regarde 37 ans en arrière, date des événements du 20 avril 1980, nous constaterons finalement l'énorme avancée de la revendication amazigh. En 1980, l'Etat algérien ne pouvait même pas accepter qu'une conférence se tienne dans une université de Tizi Ouzou sur «les poèmes kabyles anciens animés», et que devait animer Mouloud Mammeri. Cet écrivain n'était pas uniquement un intellectuel mais aussi un institutionnel, directeur du centre d'anthropologie d'Alger, président de l'Union des écrivains algériens et des enseignants à l'université d'Alger. C'est vous dire qu'il n'était pas un politique, mais essentiellement un institutionnel nommé par l'Etat. Malgré ce titre, on lui a, à cet époque, interdit d'animer une conférence. Aujourd'hui, voyez-vous, tamazight est une langue officielle et nationale. C'est comme ça que vous pouvez deviner l'énorme avancée institutionnelle de tamazight. Au niveau juridique, il y a une avancée énorme, au niveau par contre des institutions de prise en charge académique, il y a un retard intolérable. Aujourd'hui, nous observons un tas de charlatans qui essayent d'imposer leur vision sur la langue tamazight, notamment en matière de normalisation. L'Etat doit absolument retirer le dossier de tamazight aux politiques. Cette langue doit être normalisée par les scientifiques et non par des gens qui ressemblent plus à des manipulateurs. Il est donc nécessaire de créer cette académie et de mettre en place en son sein un comité scientifique de haute facture qui fonctionne dans le cadre de la science et non pas dans le cadre de la politique. C'est un grand enjeu à l'avenir. Le principe est que les questions identitaires soient retirées de la rue pour êtres traitées dans les institutions.