La revendication identitaire amazighe a connu une "grande avancée", depuis les événements de printemps berbère le 20 avril 1980, a affirmé jeudi l'universitaire Abderrezak Dourari, soulignant que l'officialisation de la langue amazighe a réconcilié l'Algérie avec son "algérianité". Trente-six ans après le printemps berbère, "l'Algérie est devenue plus algérienne et plus ouverte, en dépit de la menace de courants idéologiques encore présents. L'avancée sur le plan de l'amazighité a réconcilié l'Algérie avec son algérianité, dans le sens où elle est sortie du carcan mythologique de l'identité arabo-islamique", a déclaré à l'APS, Abderrezak Dourari, Professeur des sciences du langage à l'Université d'Alger II. Le spécialiste et par ailleurs, Directeur du Centre de Tamazight, relevant du ministère de l'Education nationale, a mis en avant, dans ce sens, la consécration par la Constitution révisée, en février dernier, des dimensions nationale et officielle de cette langue, qualifiant la mesure de "grande avancée". Notant que les événements du 20 avril 1980 ont été "l'étincelle qui a un peu changé le cours de l'histoire" du pays, il a rappelé que les revendications de l'époque étaient axées sur, outre la reconnaissance de la langue et de la culture amazighes, la reconnaissance de la langue "arabe algérienne" ainsi que la démocratisation de la vie publique et politique du pays. "Au regard du parcours qu'a connu la première revendication, personne ne peut nier l'intégration progressive" de cette langue dans les institutions officielles, souligne M. Dourari. Selon lui, la revendication identitaire amazighe a connu un changement "radical", passant de l'époque ou l'Etat "refusait toute idée de reconnaissance de cette langue à celle ou à l'inverse, c'est lui qui a proposé cette reconnaissance". Faisant observer que par cette mesure juridique, la Constitution amendée a permis de "réparer un dol", il a toutefois a appelé à donner à Tamazight le même statut que la langue arabe en la consacrant langue officielle de l'Etat. L'universitaire qui plaide pour une "rectification urgente" de cette différenciation dans le cadre de la loi organique y afférente, estimant que "cela ne sera pas contradictoire" avec les dispositions du texte fondamental amendé. "Même si, au niveau temporel, cela peut paraître long, on peut affirmer que Tamazight a beaucoup gagné en termes d'instituts de recherche et de pédagogie", a, en outre, observé M. Dourari, citant l'existence de quatre à cinq instituts universitaires déjà fonctionnels, auxquels s'ajoutera, dès septembre prochain à Bejaia, un nouveau centre de recherche en Tamazight. La mise en place d'une Académie de la langue amazighe, "pensée" sur des bases scientifiques, favorisera, quant à elle, la promotion et l'élargissement de son enseignement pour peu que la promulgation de la loi organique ne soit pas remise aux calendes grecques, a-t-il averti. La mission "prioritaire" de cette Académie étant de s'atteler à produire les normes académiques qui seront enseignées dans les établissements scolaires, de même qu'un "corpus de référence" de Tamazight, en termes de grammaire, de lexique, de morphologie, etc. "Cela devra se faire de manière informatique et en enrichissant au fur et à mesure ce corpus, comme cela se fait pour d'autres langues étrangères", a explicité le chercheur-universitaire, insistant sur "l'autorité morale et scientifique" qui doit accompagner la future Académie.