Le Temps d'Algérie : Un an après avoir accordé le statut officiel pour Tamazight peut-on, aujourd'hui, parler d'une réelle avancée pour cette langue ? Abderrezak Dourari : La décision prise dans la réforme de la constitution en février 2016 devait ouvrir la voie à l'adoption d'une loi organique par les deux chambres du parlement réunies et votées au deux tiers. Jusqu'à aujourd'hui, nous avons toujours pas entendu parler d'un projet de loi qui aurait été présenté par le gouvernement au parlement concernant l'officialisation effective de la langue tamazight ni même l'ouverture de la voie à la mise en place d'une académie qui est censée constitutionnaliser et rendre effective cette officialisation. Nous voyons que l'actuelle mandature de l'assemblée nationale est terminée, nous sommes même déjà dans les élections législatives. Il est, donc, très clair, que ce n'est pas possible que ça soit pour demain. Cela signifie tout simplement que nous serions obligés d'attendre non seulement ces élections, mais la mise en place de la future assemblée nationale populaire ensuite la possibilité de sa réunion avec le sénat pour enfin leur proposer cette fameuse loi organique pour adoption. C'est-à-dire qu'elle sera reportée pour juillet à octobre de l'année 2017 si, bien sûr, le gouvernement pense que cette loi fait partie de ses priorités Vous pensez, donc, que cette officialisation n'est qu'un effet d'annonce ? Abderrezak Dourari : Ce n'est pas un effet d'annonce car il y a eu un changement constitutionnel. Maintenant ce qui il y a dans la constitution est une décision importante, mais qui est restée au plan juridique. Pour passer de l'espace de juré à l'espace de facto, il y a une institution qui s'appelle l'académie et elle-même a besoin d'une loi organique pour qu'on puisse passer à l'effective du terrain. Sinon, sans l'académie et sans la loi organique, elle restera une loi constitutionnelle, un point. Sans l'académie il n'y aura rien d'effectif. Et pour qu'elle y soit, il faut cette loi organique. Lorsque celle-ci sera adoptée, il sera question d'un décret présidentiel ou exécutif pour l'organiser. Les deux projets, je crois, existent dans le brouillon du gouvernement, comme il existe un brouillon de décret création et d'organisation de cette académie. Seulement, la procédure juridique n'a pas été engagée. Peut-on parler de la généralisation de l'enseignement de la langue tamazight lorsque celle-ci n'est toujours pas dans le programme scolaire des élèves de certaines wilayas? Abderrezak Dourari : La langue n'est pas normalisée, qu'est ce on va, donc, généraliser? Chaouia, Tachelhit, Mozabite, Touareg, les variétés du kabyle ? C'est tout ça qui se pose aux chercheurs. Le politique lui, il tire dans le tas car il est dans les généralités. Maintenant, la question qui se pose est celle de généraliser quoi et dans quelle graphie. Il y a un réel problème sociolinguistique. Bien évidemment, au niveau pédagogique ce problème se pose avec acuité. Ce qui fait qu'une institution comme l'éducation nationale est mise dans une situation vraiment difficile. Ils ne savent pas comment s'y prendre et ce n'est d'ailleurs pas à eux de trouver la solution, mais à l'Académie de promotion de la langue Tamazight.