C' est un peu bizarre mais c'est une réalité facilement vérifiable. Les yeux et les oreilles des Algériens seront rivés et tendues aujourd'hui sur le premier tour de l'élection présidentielle en France. Le scrutin dans l'Hexagone est, toutes proportions gardées, presque une affaire interne chez nous. Au-delà du poids de l'histoire et du hasard de la géographie, des millions d'Algériens ont un lien aussi mince soit-il avec la France. Passons sur le fait qu'environ quatre millions de nos compatriotes vivent là-bas, et dont beaucoup détiennent la double nationalité. Ils vont donc suivre avec beaucoup d'attention l'évolution du vote et les tendances des principaux candidats. En Algérie, il y a des camarades de Jean Luc Mélenchon, des admirateurs d'Emmanuel Macron, des pro-Benoît Hamon, des contempteurs de François Fillon et, évidemment, des allergiques à Marine Le Pen. Tous ces choix sont bien sûr calés sur les positions des uns et des autres sur l'Algérie, la colonisation et les musulmans de France. Notre communauté va logiquement opter pour celui qui incarne une France juste, plurielle et apaisée pour barrer la route à la droite populaire et l'extrême droite. Vu d'ici, c'est à peu près le même sentiment. Le projet de Marine Le Pen et celui de François Fillon donnent des migraines à beaucoup d'algériens pour qui la France est, et doit rester, une terre d'accueil, et, si possible, de résidence… Ce soir, on saura tous qui des quatre favoris en puissance (Fillon, Macron, Le Pen et Mélenchon) ira au deuxième tour. Nos journaux, nos télévisions et nos radios vont se mobiliser aujourd'hui comme si c'était un événement national. Il n'est pas loin de l'être, faut-il le reconnaître. Sauf que cette élection française tombe chez nous comme un cheveu sur la soupe. Pour cause, elle intervient en pleine campagne électorale laborieuse, souvent insipide et rarement envoûtante, pour les législatives. Les Algériens n'hésiteront pas à faire le parallèle, à comparer l'épaisseur politique et intellectuelle du débat entre Paris et Alger. A ce jeu-là, il n'y a évidemment pas photo ! C'est quand même dommage que les élections chez nous soient à ce point disqualifiées et déconsidérées pendant qu'ailleurs, le rendez-vous des urnes prend les allures d'une fête nationale. Il est vrai qu'on doit se soucier du futur locataire de l'Elysée pour des considérations politiques, économiques, diplomatiques mais surtout humaines. L'Algérie et la France ont vocation à évoluer comme un couple d'adultes même s'ils se disputent 55 ans après l'indépendance la garde des enfants, comme le résume assez bien cette belle formule. Il y a d'immenses intérêts mutuels qui font que les deux pays sont condamnés à s'unir pour faire face aux défis communs. D'où, justement, l'enjeu de cette présidentielle française qui propose un spectre aussi large que varié de profils qui vont d'un extrême à un autre. Avec Macron comme président, les relations algéro-françaises s'annonceraient prometteuses, pas seulement pour ses déclarations flatteuses sur la colonisation, mais parce qu'il incarne la nouvelle génération d'hommes politiques sans aucune attache avec l'establishment. Mais avec Fillon ce sera totalement différent. Beaucoup souhaitent l'élection du plus Algérien de tous, Jean Luc Mélenchon. Mais il ne faudrait pas trop rêver… Ce serait trop beau. Et les Français ne sont certainement pas près de s'offrir et nous offrir aussi ce cadeau… Quoi qu'il en soit, la présidentielle française est une passion algérienne.